La 44e session du Conseil des Ministres de l’Organisation des Producteurs de Pétrole Africains (APPO), tenue le jeudi 02 novembre 2023, à Cotonou, au Bénin, a enfin décidé de la mise en œuvre concrète de la Banque Africaine de l’Energie (BAE), un projet qui date de plusieurs années, et qui a fait l’objet de discussions et de négociations au cours de toutes les sessions qui ont précédé. Cette fois ci il a été décidé de la démarrer au plus tard le 30 juin 2024.
DES OBJECTIFS AMBITIEUX A LA HAUTEUR DU POTENTIEL ET DES BESOINS
L’objectif de cette Banque selon les déclarations du Président de l’APPO, le Ministre béninois des Mines, de l’Eau et de l’Energie du Benin, Samou Seidou Adambi,« vise à répondre aux défis de l’industrie pétrolière et gazière en Afrique et contribuer à assurer la sécurité énergétique et le développement durable des pays ». Pour lui la Banque Africaine de l’Energie vise à répondre aux défis de l’industrie pétrolière et gazière en Afrique, et assurer la sécurité énergétique et le développement durable des pays. Il s’agit entre autres de développer les infrastructures énergétiques africaines, et plus particulièrement celles liés à la transition énergétique à travers la modernisation et l’adaptation des réseaux existants aux énergies renouvelables.
Le Ministre des Mines, du Pétrole et de l’Energie de la Cote d’Ivoire, Mamadou Sangafowa-Coulibaly, a de son côté déclaré que la création de cette banque en partenariat avec « Afrexim Bank » laquelle existe depuis 1993 et dont le siège est au Caire en Egypte, devra « réduire la dépendance du continent africain des apports extérieurs, au plan financier et au plan technique, tirer les meilleurs avantages des ressources en pétrole et gaz dont le continent africain regorge aussi ».
RESTE LE SIEGE A FIXER AVANT LE 30 JUIN 2024
Ainsi tous les instruments permettant à la Banque de fonctionner sont maintenant adoptés, et elle devra démarrer officiellement avant le 30 Juin 2024 selon le délai fixé au cours de cette 44 ème session du conseil qui prévoit aussi une Session Ministérielle Extraordinaire avant le 31 Mars 2024, pour entre autre décider du siège de la banque.
Une opération qui va être certainement délicate pour à piloter pour le nouveau Président du Conseil Ministériel pour l’exercice 2024 en la personne de Mr. Adolphe Moudiki du Cameroun, et le Secrétaire Général de l’APPO Omar Farouk Ibrahim (Egyptien). Plusieurs pays membres de l’APPO sont candidats pour accueillir ce siège, mais doivent répondre aux critères définis par le Conseil, et on note en particuliers parmi eux : l’Algérie, l’Afrique du Sud, le Benin, la Cote d’Ivoire, l’Egypte, le Ghana, et la Libye.
Mais le plus important demeure l’action en faveur du développement économique du continent qui regorge de ressources naturelles, sans en tirer les avantages au profit de sa population à travers un accès abordable à l’énergie, la résilience climatique, et le développement des secteurs stratégiques comme celui de l’agriculture dont dépend aussi la sécurité alimentaire du continent aujourd’hui menacée.
Selon la Banque Africaine de Développement, « un investissement annuel de 32 à 40 milliards USD répartis sur l’ensemble de la chaîne de valeur énergétique sera nécessaire pour parvenir d’ici 2030 à un accès universel à l’électricité ».
UNE ECONOMIE MENACEE PAR LES INCERTITUDES ET LE POIDS DE LA DETTE
L’Afrique, un continent qui compte 1,4 Mds d’habitants et un accroissement de la démographie à raison de 2,5% par an, devrait atteindre1, milliard en 2030, puis 2,5 Mds en 2050 pour devenir la deuxième région la plus peuplé après l’Asie.
Son PIB par habitant devrait croitre de 1,5% par anau cours des prochaines décennies, mais elle ne représente cependant que 2,9% de l’économie mondiale, dont 30% en Afrique du Nord, alors que l’Asie-Pacifique compte pour 35%, l’Amérique du Nord avec 29% et l’Europe 22%. Ses perspectives de croissance estimées actuellement à 3,4%, inférieures à celles de 2021 (6%), sont dominées par les dépenses de consommation des ménages et les prestations de services. Elles sont en plus soumises à une forte incertitude, et la dette souveraine constitue pratiquement une menace pour la reprise économique à cause d’un ratio dette/PIB autour de70 %.
UN POTENTIEL IMMENSE EN RESSOURCES NATURELLES
L’Afrique renferme 7,2% des réserves pétrolières dans le monde et 6,9% des réserves gazières. Sa production pétrolière a atteint environ 7,5 millions de barils par jour en 2022 et devrait décliner vers 2030 à environ 6 millions de barils. Par contre celle du gaz naturel est en progression, a atteint 275 milliards de M3 en 2022 et devrait augmenter encore à l’horizon 2030, dans la mesure où 40% des nouvelles réserves mondiales découvertes depuis 2010, l’ont été en Afrique.
L’Afrique est prévue contribuer à hauteur de 25% (750 millions de Tep) à l’augmentation de la demande d’énergie primaire mondiale à l’horizon 2050. Sa production gazière devrait atteindre 550 Mds M3 en 2050 et nécessitera alors un investissement en amont de près de 1.100 Mds de dollars.
Dans le domaine de l’hydrogène et plus particulièrement vert, selon IRENA, l’Afrique possède le meilleur potentiel du monde pour produire de l’hydrogène vert grâce à son potentiel solaire et éolien, ce qui fait d’elle la source la plus prometteuse, en particulier pour les besoins d’importation de l’Europe qui veut décarbonner son industrie chimique.
En termes de terres rares, l’Afrique possède aussi un des potentiels les plus importants dans le monde. Elle renferme 70% des réserves mondiales en cobalt (dont 50% en RDC), 60% en manganèse et 75% en Platine, ainsi que 40% en palladium (RAS), 30% en graphite (Mozambique). Ces minéraux sont indispensables pour la fabrication de batteries et les technologies de l’Hydrogène. 5 pays sont en tête : Afrique du Sud, RDC, Congo, le Mozambique, et la Namibie.
Malgré tout ce potentiel, l’Afrique demeure le continent le moins industrialisé dans le monde.
MAIS AUSSI DES BESOINS ET DES DEFIS A AFFRONTER PAR L’AFRIQUE
Sa consommation énergétique est l’une des plus faibles au monde avec seulement 3,5%. « La consommation d’électricité par habitant en Afrique subsaharienne est la plus faible au monde, estimée aujourd’hui à 370 kilowattheures (kWh) par an, contre 6 500 kWh en Europe et 11 000 kWh aux États-Unis ». Près de 600 millions d’habitants n’ont pas accès à l’électricité, et près de 75% de population subsaharienne demeure dépendante de la biomasse comme seule source d’énergie. Cette consommation est cependant appelée à augmenter très rapidement et sera multipliée par trois à l’horizon 2030, tirée par un accroissement de la démographie à raison de 2,5% par an.
Sa consommation gazière va croitre de 3,3% par an et passer de 165 Mds M3 en 2022 à 410 Mds M3 en 2050, dont la part dans le mix électrique va passer de 40 à 44%. Les capacités de génération électrique sont prévues passer de 950 TWh en 2022 à 2.450 TWh en 2050.
Les défis à affronter en Afrique sont ainsi très importants dans le secteur de l’Energie, et plus particulièrement dans les autres secteurs qui en dépendent comme l’agriculture, l’industrie, et bien sur l’amélioration des conditions de vie des populations. A titre d’exemple « L’agriculture emploie la moitié de la main-d’oeuvre africaine, mais représente moins de 10 % de l’énergie destinée aux utilisations productives, ce qui témoigne de l’important déficit énergétique du secteur ».
L’avenir de l’Afrique dépend plus que jamais de la mise en œuvre d’importants investissements dans le domaine des hydrocarbures dont dépend l’économie de tous les pays producteurs, mais aussi dans le secteur des énergies renouvelables dont le développement est aussi crucial pour mener une véritable bataille de résilience climatique à travers la mise en œuvre d’importants programmes de transition énergétique pour faire face aux impacts du changement climatique qui risquent d’être catastrophiques. Et pourtant « La part de l’Afrique dans les émissions cumulées de carbone entre 1850 et 2020 était inférieure à 3 %, dont une grande partie principalement attribuée à la foresterie et à l’utilisation des terres ».
D’où l’intérêt de développer la coopération entre les pays africains, et plus particulièrement entre les opérateurs énergétiques africains, à travers la mise en place de nouveaux instruments et de nouvelles capacités de financement propres à l’Afrique.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=3801