Les marchés financiers, sensibles aux risques géopolitiques, cherchent à déterminer les possibles retombées de la guerre entre l’entité sioniste et la Palestine et attendent de voir si le conflit va s’étendre à d’autres pays, ce qui pourrait entraîner une nouvelle hausse des prix du pétrole, de l’énergie de façon générale, et impacter l’économie mondiale.
PRESSION SUR LE MARCHE PETROLIER
Les prix du pétrole ont bondi de près de 6%vendredi, les investisseurs ayant intégré la possibilité d’un conflit plus large au Moyen-Orient. Les échanges sur le pétrole en Asie ne vont probablement pas tarder à suivre. « Il semble que nous nous dirigions vers une invasion terrestre massive de Gaza et une perte de vies humaines à grande échelle », a déclaré Ben Cahill, chercheur principal du programme sur la sécurité énergétique et le changement climatique au Center for Strategicand International Studies (CSIS). « Chaque fois qu’il y a un conflit de cette ampleur, il y a une réaction du marché »
La réaction au cours de la semaine écoulée a été relativement discrète, bien que la monnaie de l’entité sioniste ait été fortement touchée. « Je ne sais pas si les marchés se comporteront relativement bien », a déclaré Erik Nielsen, conseiller économique en chef du groupe UniCredit. « Cela dépendra très certainement si ce conflit reste localisé ou s’il dégénère en une guerre plus large au Moyen-Orient »
A Wall Street vendredi, l’indice S&P 500 a reculé de 0,5% alors que les investisseurs se tournaient vers les valeurs refuges. L’or a ainsi pris plus de 3% et le dollar américain a atteint son plus haut niveau en une semaine. Selon Bernard Baumohl, économiste en chef au sein de l’Economic Outlook Group à Princeton, dans le New Jersey, une extension du conflit entraînerait probablement une accélération de l’inflation et, par voie de conséquence, une hausse des taux d’intérêt dans le monde entier.
Toutefois, alors que l’inflation et les taux d’intérêt dans d’autres pays augmenteront probablement dans ce scénario catastrophe, les États-Unis pourraient être l’exception, car les investisseurs étrangers déversent des capitaux dans ce qu’ils considèrent comme un refuge sûr en cas de conflit mondial, fait remarquer Bernard Baumohl. « Les taux d’intérêt pourraient baisser », a-t-il ajouté. « Il faut s’attendre à ce que le dollar se renforce ».
LA PRESSION DU FACTEUR GEOPOLITIQUE
La guerre Hamas Israël qui vient d’être déclenchée et risque de durer dans le temps pourrait ressembler à ce qui s’est passé en Octobre 1973, entrainant une crise pétrolière qui avait changé le cours du marché pétrolier mondial. Aucun pays pétrolier du Moyen Orient n’a encore réagi dans ce sens, mais les menaces et les préparatifs d’Israël qui veut pratiquement « raser » la bande de Gaza pourraient parfaitement provoquer les mêmes réactions, et ce d’autant plus que l’Iran est cette fois ci soupçonné d’avoir encouragé Hamas à engager des combats sur le territoire d’Israël.
La situation tant sur le plan géopolitique qu’énergétique a certes beaucoup changé depuis 1973, avec d’une part la normalisation des relations au sein du moyen Orient entre l’Iran et ses voisins, et d’autre part la normalisation entre plusieurs pays arabes et Israël dans le cadre des accords d’Abraham, mais pas définitivement avec l’Arabie Saoudite, principal pivot géopolitique et énergétique de la région. Cette dernière vient de suspendre les discussions sur une éventuelle normalisation avec Israël, et il faut compter avec les populations de l’ensemble des pays de la région qui demeurent encore très hostiles à Israël, qui se prépare à une action visant la destruction de la bande de Gaza. Une situation qui entrainera certainement une réaction massive des populations arabes.
L’Iran est soupçonné d’être à l’origine de l’attaque contre Israël, et doit certainement être en train de se préparer à d’éventuelles provocations en retour. Il correspond aussi à un acteur pétrolier majeur dans la région, représente pas moins de 12% des réserves mondiales de pétrole, et 4% de sa production avec 3,8 millions de barils par jour auxquels il faut rajouter 0,4 millions de barils de distillats.
C’est pratiquement le risque géopolitique le plus important pour les marchés pétroliers depuis le conflit ukrainien l’année dernière. « Si la guerre en Ukraine nous a appris quelque chose, c’est qu’il ne faut pas sous-estimer l’effet de la géopolitique », a déclaré George Moran, économiste chez Nomura spécialisé sur l’Europe, dans un podcast de la banque. Ce nouveau conflit a déjà augmenté les primes de risque géopolitiques au niveau des marchés pétroliers, et pourrait entrainer des retards importants au niveau de plusieurs projets aussi bien au Moyen Orient qu’en méditerranée.
Les plus fortes craintes concernent le développement du fameux bassin gazier du levant où est situé le gisement de gaz « Léviathan » en pleine zone offshore partagée entre Israël, Liban, Chypre, et Egypte. Ce gisement géant situé au large d’Israël, renfermant 650 milliards M3 de gaz, est opéré par la société israelienne NewMed Energy en partenariat avec Chevron, Ratio Oil Corp, et fait l’objet de négociations avec les compagnies BP et Adnoc intéréssées par l’acquisition de 50% des parts pour environ 2 milliards de dollars. Mais il semble « que les dirigeants de BP et d’Adnoc s’attendent à de nouveaux retards dans la conclusion de l’accord jusqu’à ce que la situation politique s’améliore ».
Un peu plus au nord au niveau de la zone offshore libanaise, TotalEnergies, associée aux compagnies Eni et QatarEnergy, est opérateur sur le bloc 9 où elle compte forer son premier puits.
Tous ces projets ainsi que l’arrêt par Chevron des exportations de gaz naturel via un important gazoduc sous-marin entre l’entité sioniste et l’Égypte, pourraient être impactés par une implication de l’Iran accusé de soutenir Hamas, et aboutir à une éventuelle généralisation la guerre au niveau de toute la région.
LES USA GRAND GAGNANT ?
A priori la hausse des prix du pétrole ne devrait pas avoir d’impact significatif sur les prix du gaz aux États-Unis ou sur les dépenses de consommation, ont noté les analystes, mais la naissance de ce nouveau pôle d’instabilité en plus de celui né du conflit russo-ukrainien va prolonger la dépendance de l’Union Européenne du gaz américain dont les exportations en GNL vont certainement s’accroitre encore plus sur au moins deux ou trois années.
Même la production pétrolière US est en train de s’accroitre de façon régulière puisqu’elle dépasse largement maintenant celle de 2019 avant le COVID 19.
Cela peut paraitre en contradiction avec la volonté des USA de faire réduire celle des pays de l’OPEP, mais le surplus de production US alimente largement leurs stocks, qui tirent à leur tour le prix du baril à la baisse. Le marché pétrolier va ainsi demeurer lié à la cohésion au sein de l’OPEP+ au point de vue maintien des réductions de production en 2024, mais aussi à la généralisation du conflit au niveau du Moyen Orient au cas où le détroit d’Ormuz viendrait à être bloqué. Dans tous les cas de figure les USA seront les grands gagnants.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=3402