L’Afrique pourrait bien devenir le partenaire le plus important de l’Europe en matière d’énergies renouvelables alors que celle-ci cherche à augmenter son approvisionnement et à passer à l’hydrogène vert. C’est ce qu’a confié le commissaire européen à l’Actionpour leclimat, FransTimmermans, à EURACTIV lors d’un entretien.
« Le continent africain sera probablement le partenaire le plus important de l’Europe en termes de développement du secteur des énergies renouvelables », a déclaré M. Timmermans lors d’un entretien en marge de l’assemblée de l’Agence internationale pour les énergies renouvelables (IRENA) à Abu Dhabi.
Si la productionintra-européenne d’énergie renouvelable augmente, l’UE devra tout de même aller au-delà de ses frontières pour atteindre les niveaux de production nécessaires pour sa transition. De nombreux Européens se tournent vers l’Afrique, où le potentiel de production d’énergie renouvelable, et notamment d’énergie solaire, est très élevé. « Il faut commencer par notre voisinage », a déclaré M. Timmermans, évoquant les partenariats potentiels avec l’ensemble du bassin méditerranéen et l’Afrique du Nord.
Il est notamment prévu d’importer de l’électricité renouvelable de l’Égypte vers la Grèce via un câble sous-marin qui est déjà en construction et pour lequel un budget de 3,5 milliards d’euros est prévu. Ce dernier devrait pouvoir transporter 3 000 mégawatts d’électricité, remplaçant ainsi 4,5 milliards de mètres cubes de gaz fossile chaque année, selon le groupe Copelouzos qui développe le projet.
Quant aux pays plus éloignés, le commissaire européen a souligné le rôle que l’hydrogène peut jouer dans l’acheminement des énergies renouvelables vers l’Europe. L’hydrogène peut être produit à partir d’électricité verte, puis transporté là où l’énergie est nécessaire.
« L’Union européenne aura besoin de plus d’hydrogène vert que ce que nous pouvons produire nous-mêmes, c’est pourquoi nous recherchons des pays où l’hydrogène vert peut être produit », a expliqué M. Timmermans à EURACTIV.
Plusieurs partenariats déjà en place
Il existe déjà plusieurs possibilités de collaboration entre l’UE et l’Afrique concernant les énergies renouvelables, notamment le partenariat énergétique UE-Afrique, qui a pour objectif d’accroître l’accès à des services énergétiques abordables et durables, à encourager les investissements dans les énergies renouvelables et à promouvoir l’efficacité énergétique sur le continent.
L’UE a également signé un protocole d’accord avec la Namibie sur les matièrespremières critiques et l’hydrogène, qui vise à « assurer le développement d’un approvisionnement sûr et durable en matières premières, en matériaux raffinés et en hydrogène renouvelable pour soutenir la transformation écologique et numérique des économies des partenaires ».
À cela s’ajoute le Partenariat UE-Égypte sur l’hydrogène renouvelable, qui cherche à établir une coopération à long terme sur l’hydrogène vert pour accélérer la décarbonations des systèmes énergétiques.
Toutefois, selon la ministre espagnole de la Transition écologique, Teresa Ribera, la coopération de l’UE avec les pays tiers peut prendre différentes formes, puisque les besoins et le potentiel varient considérablement d’un pays à l’autre. « Certains pays seraient tout indiqués pour accueillir les solutions à petite échelle qui peuvent faire une grande différence dès le départ. D’autres pays sont prêts à se lancer dans une transformation beaucoup plus industrielle du système énergétique, en modernisant les réseaux, etc. », a-t-elle déclaré à EURACTIV lors de l’assemblée de l’IRENA.
L’UE doit renforcer ses relations avec les pays d’Afrique du Nord, qui présentent des caractéristiques géographiques et des conditions climatiques similaires à celles d’une grande partie de l’Europe du Sud, a-t-elle déclaré. Parallèlement, elle souhaite que l’Europe soit plus présente dans les pays d’Afriquecentrale, mais avec une approche différente, axée sur l’équité et l’accès aux opportunités.
Pour les riches pays producteurs de pétrole et de gaz, comme le Moyen-Orient, « il est important de veiller à ce que la véritable transformation de leurs propres économies ait lieu », estime Mme Ribera. « Je pense que le dialogue, la coopération sur la façon d’organiser cette transition énergétique, sur la façon de faciliter un dialogue pour être sûr que nous investissons là où nous devons investir est également important, en particulier dans cette crise énergétique que nous traversons », a-t-elle déclaré.
Mais alors que l’Europe cherche à remplacer le gaz russe par des alternatives, elle devrait également être consciente de l’impact de sa ruée vers l’énergie sur les marchés internationaux, notamment si elle augmente les prix et limite l’accès des autres pays. « L’Europe devrait également fournir un soutien supplémentaire pour s’assurer que les autres ne souffrent pas de la réponse européenne », a-t-elle ajouté.
Lutter contre la pauvreté énergétique en Afrique
La coopération ne consiste pas seulement à assurer l’approvisionnement de l’Europe, mais aussi à développer les infrastructures et à améliorer l’accès à l’énergie en Afrique, a déclaré Philippe Henry, ministre du Climat et de l’Énergie de la Régionwallonne de Belgique.
Selon la Banque mondiale, moins de la moitié de la population d’Afrique occidentale a accès à l’électricité. Et près de 600 millions de personnes en Afrique subsaharienne ne sont pas raccordées à l’électricité. La Belgique assurait la vice-présidence de l’assemblée de l’IRENA et M. Henry a expliqué à EURACTIV qu’il était important que l’agence pour les énergies renouvelables soit engagée dans les négociations climatiques de l’ONU, car les énergies renouvelables sont essentielles pour lutter contre le changement climatique.
En effet, la transition énergétique dans des régions comme l’Afrique pourrait être un raccourci pour augmenter l’accès à l’énergie, a expliqué l’administrateur du Programme des Nationsunies pour le développement (PNUD), AchimSteiner, aux journalistes à Abu Dhabi.
- Steiner a expliqué que l’Afrique mérite l’attention du monde entier en matière d’accès à l’énergie propre car il s’agit d’un « élément fondamental du développement »et parce qu’il est « dans l’intérêt du reste du monde que le continent africain ne soit pas contraint, par défaut, d’investir dans une infrastructure à forte teneur en carbone datant du XXe siècle pour l’électricité et les transports ».
Il a appelé l’Europe, les États-Unis et d’autres pays de l’OCDE à mobiliser des fonds, semblables à ceux utilisés pour sortir de la pandémie de la Covid-19, afin de stimuler financièrement la transition énergétique dans les pays en développement.
De même, le Directeur Général de l’IRENA, Francesco La Camera, a souligné la nécessité de réévaluer le rôle des institutions financières multilatérales, ainsi que des gouvernements et des autres acteurs, pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris.
« Nous devons réécrire le mode de fonctionnement de la coopération internationale, car il n’est pas efficace si l’on veut respecter les objectifs de l’accord de Paris », a déclaré M. La Camera.
Les institutions financières multilatérales doivent notamment travailler à la construction d’infrastructures en utilisant les capitaux de leurs membres et trouver un moyen de travailler avec les services publics et le secteur privé, a-t-il ajouté.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=2733