Pétrole : Quand les sanctionnateurs engrangent des profits sur le dos du sanctionné !

Fakhreddine Messaoudi
2022-11-06T10:13:25+01:00
EnergieHydrocarbures
Fakhreddine Messaoudi6 novembre 2022
Pétrole : Quand les sanctionnateurs engrangent des profits sur le dos du sanctionné !

L’ « Imperial Oil », géant énergétique Canadien, est venue illustrer vendredi dernier le phénomène du « surprofit », un terme apparu pendant le conflit Russo-Ukrainien, avec l’annonce d’une hausse de 30% de son dividende trimestriel et d’un rachat jusqu’à 1,5 milliard d’USD d’actions. Les actionnaires des entreprises pétrolières et gazières engrangent les bénéfices de la crise énergétique mondiale.
Aux Etats-Unis, le bénéfice d’« ExxonMobil » a été multiplié par 3,8 entre les deuxièmes trimestres de 2021 et de 2022, passant de 4,7 milliards d’USD à 17,9 milliards. Même propulsion pour celui de « Chevron », passant de 3,1 milliards à la même période l’année dernière à 11,6 milliards, alors que celui de « Shell » a doublé, faisant un bond de 5,5 milliards d’USD à 11,5 milliards.

Ainsi, 97% des sociétés américaines et canadiennes avaient augmenté ou maintenu leurs dividendes au deuxième trimestre, et revendiquent 40% de la croissance. Sans oublier les dividendes spéciaux et les programmes de rachat d’actions. Statistique Canada a calculé que les industries non financières canadiennes ont vu leur bénéfice avant impôts bondir de 30,7% entre les deuxièmes trimestres de 2021 et de 2022, contre une hausse de 3% pour les industries financières. Dans le premier camp, les entreprises engagées dans la fabrication de produits pétroliers ont engrangé un bénéfice avant impôts en hausse de 313% et celles activant dans l’extraction pétrolière, de 212%.
Le spécialiste en collecte de données IHS Markit a conclu que 2021 a été l’année la plus rentable pour l’industrie des sables bitumineux, les quatre principaux exploitants ayant dégagé, en moyenne, 6 milliards $CA de flux de trésorerie libre (avant dividendes). Il prévoit un nouveau record cette année, avec un flux moyen estimé à 10 milliards. Les actionnaires ne pourront qu’être choyés une fois de plus, eux qui ont troqué la priorité accordée à la croissance des revenus pour celle accordée à la maximisation du retour sur leur investissement.

À une semaine des élections de mi-mandat, le président américain, « Joe Biden », est donc revenu à la charge : il a exhorté une nouvelle fois les géants pétroliers à investir ces surprofits dans l’abaissement des coûts de l’énergie et dans l’accroissement de leur production, sous la menace de demander au « Congrès » de les taxer et de les soumettre à d’autres restrictions, selon un responsable de la Maison-Blanche cité par l’Agence France-Presse.
Pendant ce temps, en Europe, si certains pays ont mis en place une taxe sur les surprofits, on ne parvient pas au consensus pour autant. On débat encore à l’échelle de l’Union européenne de la faisabilité et de l’applicabilité de ce que l’on nomme tantôt une « taxe », tantôt un « impôt exceptionnel », voire une « contribution de solidarité ». Le vieux continent est encore déchiré entre une hausse de taxe et des initiatives librement consenties. Tout en reconnaissant que l’État est également un grand bénéficiaire de la situation, sous forme de taxes, d’impôts et/ou de redevances.
D’autant qu’on ne s’entend pas sur la définition et la mesure des surprofits. Certains demandent s’il faut se limiter aux sociétés pétrolières ou englober l’ensemble des entreprises énergétiques profitant de la flambée des cours de l’électricité, dont le nucléaire et le renouvelable. Voire à ces autres entreprises profitant de la flambée des prix des matières de base provoquée par le conflit Russo-Ukrainien. Au demeurant à toutes ces entreprises grandes bénéficiaires du dérapage inflationniste et des distorsions sur les chaînes d’approvisionnement.

Le secrétaire général de l’ONU, « António Guterres », avait suggéré cette voie au début d’août, disant qu’il est immoral que les compagnies pétrolières et gazières réalisent des profits records grâce cette crise de l’énergie, à un coût massif pour le climat. Mais pour créer rapidement un lien avec cette autre crise, celle du climat. Il a rappelé que les émissions mondiales de gaz à effet de serre doivent être réduites de 45% d’ici 2030 pour que l’on puisse espérer atteindre le niveau « 0 » à l’horizon 2050. « Pourtant, les émissions atteignent des niveaux records : elles sont en passe d’augmenter de 14 % au cours de cette décennie », a-t-il dénoncé. « Notre monde est au plus mal », a-t-il ajouté, soulignant que la crise climatique est l’enjeu déterminant de notre époque.
Ce qui ne devrait pas empêcher l’industrie canadienne d’afficher une production de plus de 3,5 millions de barils par jour au tournant de 2030, prévoit « IHS », soit 500 000 barils par jour ou 17% de plus que présentement. En outre, 80% de l’augmentation attendue devrait se concrétiser dans les premières années de l’intervalle de prévision 2021-2032, dans un élan de comblement du vide d’alimentation engendré par les sanctions des occidentaux à l’encontre de la Russie.

À l’échelle planétaire, l’OPEP déposait lundi un rapport prévoyant une croissance mondiale de la consommation de pétrole jusqu’en 2035. Une demande décroissante venant des pays de l’OCDE (Liste des 35 pays de l’OCDE) serait plus que contrebalancée par l’augmentation des besoins exprimés notamment par l’Afrique, l’Inde et d’autres pays d’Asie, principalement pour alimenter les transports et la pétrochimie, « tirée par une expansion des classes moyennes, une forte croissance démographique et un potentiel de croissance économique en progression » selon l’OPEP.

En conclusion, le conflit Russo-Ukrainien est bel et bien rentable pour les américains plus qu’il ne l’est pour l’Europe, grand perdant de ce chapitre. Il faut être dupe pour ne pas décrypter la situation de manière objective. Qui souffre le plus de ce conflit ? Qui est privé de gaz à cause de sa position à l’encontre de la Russie ? Qui voit les factures d’énergie triplées ? Qui voit son industrie freinée voire même ruinée ? Qui risque de passer les prochains hivers dans des difficultés extrêmes ? Qui vit une crise énergétique actuellement et qui risque de perdurer dans le temps ? Sûrement pas les Etats-Unis ! A ce propos, « Denis Jacquet » a écrit dans les colonnes du site Atlantico « … En conclusion, pour vous dire à quel point l’Ukraine fait et fera gagner beaucoup d’argent aux USA, et rien à l’Europe, je voulais vous indiquer qu’ici en Floride, le prix du carburant est revenu au prix d’avant-guerre. Pas de manque de gaz, ni de pénurie d’énergie prévisible cet hiver, personne n’aura froid aux USA. Les PME ne verront pas leur note d’énergie tripler … » C’est clair !

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