Une décision a été prise lors d’une réunion des ministres des Finances du G7 (Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Italie, Allemagne, Canada et Japon) par visioconférence qui s’est tenu vendredi 2 septembre 2022. Ces derniers sont parvenus à s’accorder pour fixer un prix plafond pour le baril de pétrole russe le plus rapidement possible. Le projet requiert l’unanimité des pays européens.
En effet, le G7 a décidé de plafonner le prix du pétrole russe, il ne l’a pas encore fait mais annoncé que « Le niveau par baril du plafond des prix serait déterminé plus tard sur la base d’une gamme d’intrants techniques ». Pour y arriver les pays du G7 envisagent« une interdiction complète des services qui permettent le transport maritime de pétrole brut et de produits pétroliers d’origine russe à l’échelle mondiale », en les soumettant à une autorisation qui ne sera donnée que « si le pétrole et les produits pétroliers sont achetés à ou en dessous d’un prix déterminé par la large coalition de pays adhérant au prix plafond ». Reste à savoir pour quel pétrole cette mesure sera appliquée : Celui exporté directement aux pays du G7 ? De l’Europe ? Ou des autres pays quand il est souvent acheté, puis réexporté en brut ou en produits raffinés ? La Chine et l’Inde parmi d’autres pays l’achètent massivement d’ailleurs, alors que le G7 compte sur l’appui de la Chine et de l’Inde.
Cette décision a été saluée par la secrétaire américaine au Trésor« Janet Yellen » qui a déclaré « Aujourd’hui, le G7 a franchi une étape essentielle dans la réalisation de notre double objectif, à savoir exercer une pression à la baisse sur les prix mondiaux de l’énergie tout en privant Poutine de revenus pour financer la guerre en Ukraine »
L’établissement ou la mise en œuvre de ce plafonnement maximum pour le prix du pétrole russe a pour principal objectif d’assécher les recettes du gouvernement russe et de réduire les pressions inflationnistes mondiales liées à l’envol des coûts de l’énergie. Ceci dit, Moscou n’a pas tardé à réagir en mettant en garde contre une déstabilisation du marché du pétrole en avertissant que la Russie« ne vendrait plus de pétrole aux pays plafonnant les prix »
Une décision plus risquée que courageuse :
Cette mesure prise par le G7 s’avère complexe, le premier obstacle sera de convaincre des pays comme la Chine, timidement allié à la Russie, ou encore l’Inde qui actuellement demeure neutre quant au conflit Russo-Ukrainien, mais aussi d’autres pays non européens, pourquoi ? Pour la simple et bonne raison que l’efficacité de ce mécanisme de pression que prônent les pays du G7 réside dans l’adhésion d’une large coalition.
Le ministre allemand des finances« Chrisian Lindner » explique que les acheteurs de pétrole russe ne pourraient ainsi pas accéder aux assurances, indispensables au transport maritime si l’or noir est au-dessus du prix plafonné
Selon le communiqué du G7« Le plafond des prix sera fixé à un niveau basé sur une série de données techniques et sera décidé par l’ensemble de la coalition avant sa mise en œuvre »
En d’autres termes la Russie vendrait son pétrole à ces pays à un prix inférieur à celui auquel elle le cède aujourd’hui, mais qui resterait supérieur au prix de production, afin qu’elle ait un intérêt économique à continuer à leur en vendre, et ainsi qu’elle ne coupe pas ses livraisons. Or il se trouve qu’aujourd’hui, la Russie exporte déjà une partie de son pétrole à prix réduit.
Autre projet de l’Europe : « découpler le prix du gaz de celui de l’électricité », ou encore « rapprocher les prix du courant de ses coûts réels » ? Il faut rappeler qu’entretemps « le prix du mégawattheure a dépassé les 700 euros contre environ 50 euros en temps normal ».
Pendant ce temps, le baril du Brent après une légère reprise a perdu 10% de sa valeur en passant de 102,93 $ le 29 Aout à 93,02 le 02Septembre, tandis que la Russie a complètement arrêté le pompage de gaz à travers le Nord Stream« pour des raisons de maintenance ».
Face à la volatilité des prix de l’or noir, le découplage du prix du gaz et à la décision du G7 à plafonner le prix du pétrole russe, qu’envisagera l’OPEP+ et quels seraient les décisions qu’elles pourraient adopter dans sa réunion prévue le 05 Septembre 2022 ?
L’OPEP+ doit se réunir le 05 Septembre pour arrêter probablement une nouvelle stratégie de contrôle de sa production, avec un objectif probable de maintien d’un niveau de l’offre qui suivrait la demande d’une part, et permettrait d’autre part à ses membres de bénéficier d’un prix acceptable, dont leurs économies ont besoin en ce moment par rapport à une crainte de récession et d’inflation générale qui ne les épargnera pas non plus. Leur crainte, si ce n’est la certitude, est que le processus d’inflation se poursuive tout au long de 2023, et aggrave l’excédent actuel sur le marché pétrolier qui est déjà de 900.000 barils/jour.
Le prix du baril de pétrole a certes augmenté durant les 6 premiers mois de 2022 avant de chuter depuis Juin, mais sa moyenne annuelle est toujours d’environ 100$. La pression des USA pour faire augmenter la production OPEP n’a pas fonctionné malgré quelques déclarations non confirmées de l’Arabie Saoudite et des Emirats. La situation interne de certains pays ayant aussi des capacités inutilisées comme la Libye, le Venezuela, l’Irak, ou l’Iran dont l’embargo est toujours en vigueur, ne laisse prévoir non plus aucune possibilité d’augmentation de production pour le moment. Seuls les soutirages des stocks stratégiques américains ont pu pour le moment un tant soit peu maintenir les prix vers le bas.
Il faut rappeler que ces stocks ont été régulièrement appelés depuis 2021 pour contenir le prix du baril et surtout celui des carburants aux USA. Il est pratiquement demeuré de façon inédite, stable depuis le début de l’année2022 à 420 millions de barils, parfois moins. Qu’en adviendra-t-il après la réunion OPEP+ ?
On remarque que les enjeux en ce qui concerne aussi bien le marché pétrolier, que celui du gaz naturel ou de l’électricité, ne sont plus de la même nature, et ne sont plus simplement dépendants de fondamentaux tels que l’offre et la demande pour l’exemple du marché pétrolier. Ils sont en train d’évoluer à travers une profonde mutation certes soutenue par la crise énergétique actuelle et les risques de récession à l’échelle mondiale, mais aussi par d’autres facteurs géostratégiques qui finiront par reconfigurer à moyen terme les échanges économiques et les équilibres géopolitiques existant à ce jour.
Les membres de l’OPEP+ en ont pris conscience après deux années de crise et ont un regard prudent sur ce qui se passe à cette échelle. En tiendront-ils compte durant leur réunion du 05 Septembre ?
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=1765