Gasmi Azzeddine n’avait que 28 ans en 1971. Il fut l’un des premiers ingénieurs polytechniciens de l’Algérie indépendante. Son diplôme en génie chimique il l’obtient en 1968. Un an plus tard, il décroche son deuxième diplôme d’ingénieur en forage-production de l’Institut Algérien du Pétrole (IAP). De là, il entame une carrière professionnelle prolifique qui le mène de In Aménas à Hassi Messaoud en passant par Gassi Touil. Après un passage de 4 années à l’IAP, il intègre l’Entreprise Nationale de Services aux Puits ENSP dont il devient le PDG de 1993 à 2002. Il prend sa retraite en 2003 avec la fierté d’avoir accompli son devoir à l’égard de la nation et avec une profonde satisfaction personnelle d’avoir servi son pays.
Comment avez-vous vécu l’annoncede la décision de la nationalisation des hydrocarbures un certain 24 février 1971 ?
Le 24 février 1971, j’étais à Paris en stage de perfectionnement à l’Institut Français du Pétrole. Les dépenses liées au stage ont été prises en charge par la société pétrolière et gazière française ELF, mon employeur à l’époque. Dans la soirée du même jour, j’étais invité, avec d’autres compatriotes, chez Mr Saad Abssi, le premier président de l’amicale des Algériens en Europe ; un parent de mon défunt père.
A 20h00, à l’ouverture du journal télévisé, fut annoncée la décision du président Houari Boumediene de nationaliser les hydrocarbures. Tout le monde s’est levé et a fortement applaudi cette décision historique et souveraine.
Le lendemain matin, je me rendis avec un autre algérien au siège de la société ELF à Paris. Ce fut la consternation. Ils nous ont donné le choix travailler avec eux à l’international ou de retourner en Algérie. Nous avons demandé 24 heures de réflexion. Le jour d’après, à la première heure, je revins réclamer un billet retour simple pour Alger.
Qu’avez-vous fait après votre retour en Algérie ?
Une fois en Algérie, j’ai intégré SONATRACH. Immédiatement après J’ai rejoint In Aménas où le nombre de puits dépassait le millier et le nombre de centres de collecte dépassait la centaine. Il existait à In Aménas deux principaux centres de stockage et d’expédition, le premier à partir d’Ohanet vers Haoud El Hamra et le second, le plus important, vers Sfax en Tunisie.
J’avais pris la responsabilité des gisements d’hydrocarbures tandis qu’un autre ingénieur s’occupait de la production. Moins d’un mois après, cet ingénieur d’ELF non seulement il quitta définitivement In Aménas, mais il embarqua également avec lui plusieurs cadres techniques. Avec seulement trois ingénieurs du service national, dont l’ancien ministre de l’Énergie Ammar Makhloufi, j’ai pris les rênes et des gisements et de la production. Pour cela, je m’étais appuyé sur un personnel technique subalterne aguerri et un partenaire social très engagé.
A In Amenas, avez-vous rencontré des contraintes particulières après le départ précipité des cadres français ?
Le personnel français avait quitté In Aménas moins d’une semaine après la nationalisation. Les Français nous avaient coupé le transit par la Tunisie. Le tronçon de pipeline situé en territoire tunisien est resté leur propriété. Nous ne pouvions que réduire la production à la quantité que nous pouvions expédier par Haoud El Hamra. Des deux sociétés françaises nationalisées, seule TOTAL avait obtempéré car à capitaux privés, et a vite trouvé un compromis et un terrain d’entente avec les autorités algériennes.
Avec beaucoup de retard ELF avait suivi. Et le pipeline en territoire tunisien fut remis en service.
Avez-vous le sentiment d’avoir accompli une mission importante ?
A une retrouvaille entre anciens cadres du secteur national de l’Energie en février 2020, j’étais entouré de Sid Ahmed Ghozali, Ammar Makhloufi, Ahmed Benbitour et bien d’autres, lorsque de la bouche même de Ghozali j’avais entendu sortir cette phrase : « C’était grâce aux ingénieurs et aux techniciens algériens des sociétés nationalisées que nous avons réussi les nationalisations des hydrocarbures le 24 février 1971 ». Une telle reconnaissance vous donne un sentiment du devoir accompli.
En conclusion, je dirai que grâce au 24 février 1971 l’Algérie est devenue propriétaire exclusif de ses ressources pétrolière et gazières, un partenaire de choix et plus tard un fournisseur d’ingénieurs et de techniciens de qualité reconnue à l’international.
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