Auteur : Dr. MERAHI Reda, Docteur et chercheur en énergie
La transition énergétique est un sujet d’actualité et un débat animé entre divers acteurs, politiciens, experts et chercheurs. Beaucoup de gens pensent que la transition énergétique consiste uniquement à passer des ressources conventionnelles aux énergies vertes et renouvelables. Cependant, la transition énergétique offre aussi d’autres pistes et plusieurs solutions envisageables pour accélérer cette transition et l’appliquer à grande échelle.
Parmi les pistes menant à la transition énergétique, la rationalisation de l’énergie électrique inclut l’optimisation de l’énergie de manière directe ou indirecte. Un des domaines qui consomme une quantité considérable d’électricité est l’éclairage artificiel des immeubles et des espaces publics, représentant environ 2 700 TWh mondialement et 6 500 MW en Algérie en 2021.
Dans cet article, nous allons aborder et discuter le sujet de l’éclairage naturel des immeubles en Algérie comme piste vers la transition énergétique, et les différents avantages de cette énergie gratuite sur notre consommation nationale.
Mots clés : transition énergétique, rationalisation de l’énergie électrique, éclairage des immeubles, éclairage public.
1- Avant-propos
La transition énergétique est un sujet vaste et ne doit pas se limiter à des domaines spécifiques ou à la simple substitution des énergies conventionnelles par des énergies plus efficaces. Ce projet englobe différentes options et plusieurs solutions afin d’accélérer la transition et l’appliquer à grande échelle dans notre pays.
La réussite de ce projet repose sur le développement de diverses options et l’engagement sur plusieurs fronts pour obtenir les résultats souhaités et assurer une transition plus efficace et rentable. Cela permettrait de réaliser une indépendance énergétique totale et un développement durable réel dans tous les secteurs d’activité, y compris le secteur de l’énergie électrique.
Une des options est l’économie d’énergie comme stratégie pour réduire la facture globale d’électricité des foyers, ce qui permettrait de stabiliser la consommation nationale. Selon l’agence APRU, le secteur du bâtiment représente environ 36 % de la consommation nationale, utilisée pour le chauffage, la climatisation, l’éclairage et l’alimentation des divers appareils électriques.
En Algérie, le pays connaît une expansion urbaine considérable avec la réalisation de nouveaux pôles urbains et de nouvelles villes. La consommation du secteur du bâtiment est donc appelée à augmenter, ce qui conduit à une augmentation de la consommation nationale.
Il est nécessaire de consommer judicieusement l’électricité et d’éviter tout type de gaspillage, direct ou indirect. Cela est possible par la mise en place d’un plan national de rationalisation des énergies, incluant l’électricité, afin de minimiser la facture d’investissement destinée à la production d’électricité et de réduire la grande quantité de gaz naturel utilisée pour les centrales électriques, permettant ainsi son exploitation dans d’autres secteurs d’activité.
2- La rationalisation de l’éclairage artificiel des bâtiments
L’éclairage des immeubles consomme une quantité considérable d’électricité, représentant 26 % de la consommation nationale. Cette part est appelée à augmenter avec l’extension urbaine que connaissent les différentes régions du pays. Il est difficile d’estimer la quantité exacte de l’éclairage, car la facture d’électricité englobe toutes les consommations avec un seul compteur par foyer.
Malheureusement, beaucoup de consommateurs utilisent mal le système d’éclairage, que ce soit par surconsommation, fraude, ou utilisation d’appareils à forte consommation tels que les ampoules à incandescence.
Le 29 novembre 2003, une initiative de l’agence APRU a organisé une opération visant à éteindre une ampoule inutile, à laquelle près de 600 000 foyers ont contribué, permettant d’enregistrer un gain de 18 MW. Ce chiffre montre l’utilité de la rationalisation de l’énergie, et si la participation était généralisée, le gain serait encore plus important. Il est à noter que 18 MW représentent la puissance d’une tranche de production dans une centrale électrique, nécessitant une grande quantité d’énergie primaire.
Il est donc nécessaire de penser à optimiser l’éclairage artificiel des immeubles en exploitant au maximum l’éclairage naturel disponible. La durée d’ensoleillement en Algérie varie entre 2 000 et 3 900 heures annuellement (hauts plateaux et Sahara), atteignant 14 heures par jour en été, ce qui montre le potentiel considérable dont dispose l’Algérie en matière d’ensoleillement.
Pour exploiter cette énergie, plusieurs solutions sont applicables à grande échelle, ayant montré leur efficacité à l’étranger. En Algérie, il faut choisir les systèmes appropriés et faisables tout en préservant le tissu social et traditionnel des Algériens.
3- Solutions pour l’exploitation de l’éclairage naturel
Voici quelques solutions pour exploiter l’ensoleillement et réduire la consommation d’éclairage artificiel :
- Verrière Ecoprisme : Conçue pour maximiser l’utilisation de la lumière naturelle dans les bâtiments, réduisant ainsi la dépendance à l’éclairage artificiel et les coûts énergétiques associés, cette solution peut réduire jusqu’à 30 % les consommations énergétiques, figure (1-a) et (1-b).
- Puits de lumière : Cette solution, également appelée conduits de lumière, permet d’introduire la lumière du jour dans les pièces éloignées des ouvertures traditionnelles, figure (1-c).
- Solution Echy : Elle repose sur la captation de la lumière du soleil et sa redistribution au sein des pièces, figure (1-d).
- Réflecteur de lumière : Ce réflecteur orienté permet d’illuminer et de chauffer une pièce rapidement, pouvant être installé à l’intérieur ou à l’extérieur, figure (1-e).
D’autres solutions existent à travers le monde, figure (1-(f, g, h, i)). En Algérie, nous pouvons choisir les solutions optimales, peu coûteuses et faciles à adapter à nos immeubles grâce à leur simplicité. L’objectif de cet article est de souligner la nécessité d’appliquer ces technologies dans nos immeubles publics, commerciaux et même particuliers.
4- Étude de cas estimative
Pour montrer le gain potentiel, nous présentons une étude de cas estimative consistant à éteindre une ampoule pendant 1, 2, et 3 heures, sachant que le nombre de foyers en 2023 est d’environ 9,2 millions en Algérie.
Ces résultats montrent les puissances gaspillées par la mauvaise utilisation de l’éclairage artificiel malgré la disponibilité de l’éclairage naturel.
5- Actions nécessaires à entreprendre
Pour exploiter l’éclairage naturel, il est nécessaire de :
- Introduire de nouvelles lois et décrets favorisant l’exploitation de l’éclairage naturel dans nos immeubles et foyers, incluant les bâtiments commerciaux et industriels.
- Insister auprès des entreprises d’urbanisme (AADL, OPGI, LSP, ENPI) pour mettre à jour leurs cahiers des charges en incluant des solutions optimisant l’éclairage naturel.
- Encourager les entreprises et startups à investir dans la fabrication de ces solutions en Algérie, réduisant ainsi les coûts de ces technologies.
Pour réussir cette démarche, tous les acteurs économiques et publics doivent contribuer à ces projets, non seulement pour profiter de cette énergie gratuite mais aussi pour moderniser le tissu urbain de notre pays.
6- Conclusions et recommandations
Dans cet article, nous avons mis en lumière la problématique du gaspillage énergétique lié à l’éclairage artificiel excessif dans les immeubles. Ce phénomène est souvent dû à une mauvaise utilisation de l’éclairage par les occupants, qui laissent les lumières allumées même en plein jour. De plus, la conception même de certains immeubles peut contribuer au problème, avec des pièces ou des recoins mal éclairés nécessitant un recours systématique à l’éclairage artificiel.
Pour remédier à cette situation, il est indispensable de mettre en œuvre des solutions favorisant l’exploitation optimale de l’éclairage naturel. Ces solutions peuvent être simples et peu coûteuses à mettre en place, comme l’utilisation de fenêtres plus grandes ou de briques de verre. Elles permettent non seulement de réduire considérablement la consommation d’énergie électrique, mais également de contribuer à la préservation des ressources naturelles, notamment le gaz naturel, souvent utilisé pour la production d’électricité.
Le gaspillage d’éclairage ne se limite pas à une perte d’énergie, il a également des impacts environnementaux non négligeables. Il est donc crucial de sensibiliser les occupants des immeubles à ces enjeux et de les encourager à adopter des comportements plus responsables en matière d’éclairage.
Dans le cadre de notre engagement pour la transition énergétique, nous aborderons dans un prochain article un autre sujet crucial : les moyens d’accélérer cette transition de manière efficace et durable.
Référence :
[1] Dossier Presse de Sonelgaz, présentation du modèle de consommation énergétique Au niveau des commune, 2018
[2] Programme indicatif d’approvisionnement du marché national en gaz naturel 2024-2033, CREG.
[3] Jean-Claude BONTRON, L’empreinte énergétique des modèles d’urbanisation et d’habitat, juin 2013 / n° 218 / POUR.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=4006