COP 28 : Peut-on parler d’un succès en « citant » enfin « la sortie progressive des énergies fossiles » ?

Rédaction (A.M)
Etudes
Rédaction (A.M)15 décembre 2023
COP 28 : Peut-on parler d’un succès en « citant » enfin « la sortie progressive des énergies fossiles » ?

Le rideau est tombé sur la COP 28 avec une courte prolongation qui a permis enfin d’inscrire une formule qui va donner lieu à de nombreuses interprétations avant sa mise en œuvre. Le texte final appelle à la « réduction progressive des énergies fossiles, de manière juste, ordonnée, et de façon équitable, en accélérant l’action au cours de cette décennie critique, afin d’atteindre la neutralité carbone d’ici 2050 ».

Pour arriver à ce consensus, il est évident qu’il a fallu beaucoup de diplomatie « climatique » et donner des gages aussi bien pour les adeptes de la sortie pure et simple des énergies fossiles, que pour ceux qui étaient contre du moins la formulation à introduire dans l’accord finale. On peut donc affirmer qu’au-delà de l’accord obtenu en lui-même, c’est la nécessité d’accélérer la lutte contre le réchauffement climatique et la reconnaissance de l’impact des énergies fossiles, ainsi que leur poids dans le mix énergétique qui sont un succès. Toutes les parties sont d’accord sur le contenu de la déclaration, mais il reste à la mettre en œuvre, par catégorie de ressource ? Comment ? Par qui exactement ? Dans quelles conditions ?

Le cas du charbon

Le texte appelle à « réduire rapidement le charbon sans captage de carbone » et instaurer des « limites sur les permis accordés pour de nouvelles centrales au charbon » sans captage de carbone. C’est déjà un retour en arrière par rapport à la COP de Glasgow au cours de laquelle il y a deux ans, la réduction a été actée sans nouvelles centrales, sans compter que la consommation de charbon a augmenté de 3,3% en 2022 en atteignant le record de 8,3 milliards de tonnes, et pouvant probablement les dépasser en 2023.

Il faut rappeler que le charbon assure actuellement 36% de la production mondiale d’électricité, et 70% de sa consommation se fait en Chine et en Inde, deux pays qui n’en prévoient la sortie qu’au-delà de 2070.

Pays20202021    Évolution       2020-2021Part dans la consommation mondiale de charbon
Chine82,3886,174,40%53,8%
Inde17,4020,0913,38%12,5%
Etats-Unis9,2010,5712,95%6,6%
Japon4,574,804,64%3,0%
Afrique du Sud3,563,53-0,80%2,2%
Russie3,293,413,54%2,1%
Indonésie3,253,280,87%2,0%
Corée du Sud3,023,040,38%1,9%
Vietnam2,102,152,16%1,3%
Allemagne1,812,1214,63%1,3%
Pologne1,721,888,51%1,2%
Turquie1,701,742,42%1,1%
Ukraine0,960,95-0,31%0,6%
Reste du monde16,1016,371,68%10,20%
Total monde151,07160,105,98%100,00%

Source: BP Statistical Review 2022

Essayons d’analyser maintenant le cas des hydrocarbures :

Il faut préciser que les 130 pays qui ont soutenu et défendu depuis le début de la COP 28 la sortie des énergies fossiles, sont en majorité des pays développés ou en développement. Ceux qui étaient contre ou proposaient des voies différentes mais sans contester la nécessité d’agir pour lutter contre le réchauffement climatique sont en majorité des producteurs d’hydrocarbures dont l’économie en est dépendante. Entre ces deux parties, la confrontation est basée sur trois critères :

  • En premier la responsabilité historique sur le réchauffement climatique. Il est imputé en grande partie à la forte consommation depuis de nombreuses décennies par les pays développés, des ressources énergétiques fossiles, en particuliers les hydrocarbures dont la majeure partie provient des pays producteurs/exportateurs.
  • En second lieu, sur l’engagement au cours des décennies à venir : comment arbitrer entre une réduction des productions de ressources énergétiques au niveau des pays exportateurs, et leur consommation qui se poursuivra surtout pour le gaz naturel en grande partie à travers des importations ?
  • En troisième lieu la crainte et la vulnérabilité des pays exportateurs d’hydrocarbures dont plus de 40% des budgets, souvent plus, dépendent de ces exportations. A moins d’une diversification économique aussi rapide que la transition énergétique « La majorité des Etats pétroliers verraient perdre plus de 50% de leurs revenus pétroliers et gaziers dans le cas d’une transition telle qu’elle est annoncée par l’AIE ».

Juste après l’approbation de l’accord final le délégué bolivien a déclaré que « Les pays développés ne veulent pas revoir leur mode de vie et nous mettent en danger », parceque les trois questions importantes qui vont faire l’objet de débats à l’avenir en conformité avec les termes « … de manière juste, ordonnée, et de façon équitable… », sont les suivantes :

  • Qui consomme le plus et depuis quand ?
  • Qui produit le plus et en profite ou non, et comment ?
  • Qui est plus ou moins prédisposé à une transition énergétique accélérée ?

Les chiffres indiqués ci-dessous sont d’ailleurs très significatifs :

REGIONPart de consommation énergétique finale %Part des hydrocarbures

%

Part du charbon

%

Production pétrolière en MMB/J (2021)Production gazière en MDs M3/an (20121)
Asie-Pacifique45,837477,3670
Amérique du Nord15,06010241135
Europe13,858123,4210
CIS 6,8751313,8896
Moyen Orient6,497128715
Amérique du Sud4,85756153
Afrique3,467217,2258

Consommation en G. Joules/Habitant

Amérique du N 

227

CIS

163

Moyen Orient

143

Europe

122

Asie-Pacif.

63

Afrique

15

On constate que l’Afrique est le « dernier de la classe » en matière de consommation énergétique alors qu’elle dispose de ressources et d’une production importante.

Un autre chiffre inquiète particulièrement les pays ne disposant actuellement que de ressources fossiles ou encore moins, c’est la part de l’électricité dans la consommation mondiale d’énergie, qui est actuellement de 25% et devrait passer à un peu plus de 50% dans le scénario Net Zéro en 2050. Cela signifie que la bataille va tourner surtout autour de la génération d’électricité à l’aide des énergies renouvelables, et par conséquent d’importants investissements à mobiliser.

Les pays pauvres et vulnérables craignent par conséquent de ne pas disposer des moyens et d’autres ressources énergétiques par rapport aux hydrocarbures, pouvant leur permettre d’abord de rattraper le retard de développement. Parmi ces derniers on retrouve notamment beaucoup de pays africains et sud-américains, faisant partie de continents déjà sous-développés ou en voie de développement, alors qu’ils recèlent d’énormes réserves pour le moment exportées en grande partie vers les pays développés, et correspondant souvent à la seule ressource énergétique disponible.

Il faut maintenant espérer que les 2 prochaines COP 29 en Azerbaidjan, un pays très dépendant aussi des hydrocarbures, et COP 30 au Brésil, membre de l’OPEP+ et des BRICS, finaliseront tous les mécanismes de mise en œuvre de cet accord à travers une responsabilité partagée « demanière juste, ordonnée, et de façon équitable ». C’est pour cela que l’appel à la sortie progressive des énergies fossiles tient compte des situations nationales aussi bien des pays producteurs que ceux consommateurs, dont la plupart font partie du G20 qui a récemment déclaré et bien avant la COP 28 qu’il fallait tenir compte des « conditions nationales ». 

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