Le report de la réunion de l’OPEP+ au 30 Novembre 2023 ne semble pas avoir pesé sur le marché pétrolier qui est demeuré plus que jamais incertainautour de80 dollars le baril après une chute de 16% depuis le début du mois de Septembre. Le motif invoqué est relatif à la négociation avec les pays Africains membres qui demandent une augmentation de leurs quotas alors que presque tous n’arrivent pas à atteindre leur niveau actuel. En fait ces derniers redoutent que le différentiel de production qu’ils n’arrivent pas à mettre sur le marché soit tout simplement pris de façon définitive par les autres producteurs qui en ont la capacité, mais cela ne tient pas la route dans la mesure où le consensus au sein de l’OPEP+ milite vers le maintien des réductions de production et peut être même son augmentation au vu des menaces sur le marché.
La chute du baril de pétrole et les tentatives de redressement de l’OPEP+
L’OPEP+ est en ce moment le principal acteur dont dépend actuellement le marché pétrolier grâce à une cohésion qui a résisté jusqu’à nos jours à tous les assauts de la part aussi bien des pays grands consommateurs tels les USA, que la spéculation. Elle s’est engagée à réduire sa production à plusieurs reprises depuis 2022 pour réduire les stocks mondiaux, avec notamment une réduction importante de 5,16 millions de barils par jour correspondant à 5% de la demande mondiale. Cette réduction comprend 3,66 millions de barils de la part de l’OPEP+ et la différence comme effort volontaire de réduction de ses deux producteurs principaux, l’Arabie Saoudite et la Russie.
Mais il faut aussi prendre en considération que du côté des USA leur production est en train de battre tous les records aussi bien en pétrole avec un niveau largement supérieur à celui de 2019, qu’en gaz naturel qui fait d’eux les premiers producteurs au monde et les premiers exportateurs de GNL vers l’Europe.
La baisse des stocks américains depuis le début de 2023 a permis au baril de se maintenir au-dessus de 80 dollars, mais la reprise à la hausse depuis Septembre est en train de faire pression sur le marché vers la baisse, d’où les craintes de l’OPEP+.
D’autres craintes sont venues impacter le marché soit avec des incertitudes d’ordre géopolitique liées en ce moment à la guerre Israélo-palestinienne qui a entrainé le baril vers 90 dollars avant de revenir à 81 dollars. Tous les regards sont dirigés vers cette région du Moyen Orient, qui renferme 48% des réserves pétrolières mondiales, 40% des réserves gazières, et produit un peu plus que 32% de la demande pétrolière mondiale.
Il faut enfin tenir compte de la situation sanitaire récente en Chine qui entraine déjà la crainte d’impacts identiques à ceux du COVID 19.
« Le monde est à l’aube d’un tournant historique » selon l’AIE
L’AIE n’a pas cessé de son coté de préconiser la réduction de la production pétrolière et d’annoncer non pas un pic de l’offre au cours de l’actuelle décennie, mais surtout un pic de la demande qui s’installerait au plus tard en 2027. L’AIE prévoit une demande pétrolière en 2024 inférieure à celle de l’offre et probablement aussi à celle de 2023 qui semble pourtant avoir atteint les 102 millions de tonnes par rapport aux 99,9 millions de tonnes en 2022.
Pour l’AIE, cette évolution est encouragée par « la croissance spectaculaire des technologies d’énergie propre telles que les panneaux solaires et les véhicules électriques, les changements structurels de l’économie chinoise et les ramifications de la crise énergétique mondiale ».
La COP28 : « un moment de vérité pour l’industrie pétrolière »
Elle se tiendra du 30 Novembre au 12 Décembre à Dubai aux Emirats Arabes Unis, sous la présidence du Sultan Al Djaber, le patron de l’une des plus importantes compagnies pétrolières dans le monde et au Moyen orient : « ADNOC ». Cette conférence sera focalisée sur deux objectifs ou espoirs dont aucun ne sera à l’avantage des sources d’énergies fossiles (hydrocarbures & charbon), considérés comme étant les principaux émetteurs de gaz à effet de serre.
L’objectif est clair et affiché pour une sortie inévitable des fossiles : « La COP28 aux Émirats arabes unis doit envoyer un signal clair en amorçant une élimination progressive de la production de pétrole et de gaz et en fixant un nouvel objectif mondial sur les énergies renouvelables » selon « Climate & Tracker ». C’est par conséquent cette sortie des énergies fossiles qui sera au cœur débats à Dubai.
L’autre objectif intéresse les nombreux pays pauvres et sous-développés, du Sudmajoritairement, qui ne possèdent pas de ressources énergétiques, n’ont aucune responsabilité dans le réchauffement climatique mais en subissent le plus d’impacts négatifs, sont pressés de voir ce qu’il en est advenu du principal acquis de la COP27 tenue en Egypte en 2022 : « le fond pertes et dommages » destiné à les aider à faire face à ces impacts.
Le reste du monde est partagé en deux catégories. Celle des pays développés ou émergents producteurs ou d’énergies fossiles, mais ayant contribués et continuant à le faire, le plus historiquement au réchauffement climatique. Beaucoup se sont engagés dès 2015 (COP21) a mobiliser 100 milliards de dollars pour aider la lutte contre les dérèglements climatiques, et adopté des stratégies de transition énergétiques importantes localement, ainsi que des pression sur les autres pays afin de contribuer à cet effort. Mais ce fond est loin d’avoir été atteint ses objectifs alors que le financement de l’adaptation au dérèglement climatique a reculé de 15% selon l’ONU.
La deuxième catégorie des pays est celle des producteurs de sources d’énergies fossiles, principalement les hydrocarbures, parfois riches ou émergents mais en majorité sans aucune responsabilité historique en matière d’émission de gaz à effet de serre si on compare la part des émissions dues à la production des ressources d’énergies, et celle due à l’usage de ces mêmes ressources en dehors des pays producteurs.
« Peut-on en même temps réduire les émissions de carbone et investir dans les hydrocarbures ? »
Presque tous les pays de l’OPEP+ font partie de cette dernière catégorie, et sont en principe soumis à une forte pression de mettre en œuvre des programmes de réduction des émissions, notamment à travers le captage et le stockage du CO2. Mais cette technologie n’est pas encore tout à fait au point et nécessite d’importants investissements alors que les sources de financement ont tendance à s’amenuiser dans le secteur des hydrocarbures. Le risque de réduction de leur production ne convient pas non plus à leurs besoins économiques du moment, ce qui fait de la COP28 un moment de vérité, avec des impacts auxquels il faudra s’adapter d’une façon ou d’une autre : contribuer en marche forcée à la lutte contre le dérèglement climatique, ou subir les conséquences brutales d’un recul du marché à travers une guerre de production et une accélération du réchauffement climatique aux dépens de toute l’humanité.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=3555