Algérie, le mirage des métaux rares

Rédaction (A.M)
Mines
Rédaction (A.M)20 novembre 2023
Algérie, le mirage des métaux rares

Extraits grâce à la transition énergétique et la révolution technologique, les métaux rares ont connu un essor fulgurant ces dernières années. Ils sont désormais indispensables à la fabrication d’équipements du quotidien (smartphones, voitures électriques, ordinateurs…) et d’infrastructures dites « vertes »(éoliennes, panneaux solaires, batteries…). Les secteurs de l’aéronautique, du spatial, de la robotique et de l’armement militaire en sont également très gourmands.

Il s’agit d’une quarantaine de minéraux naturels aux propriétés exceptionnelles. Les plus connus sont le cobalt, le tungstène, le néodyme, le silicium, le magnésium, auxquels s’ajoute la sous-famille des dix-sept terres rares. Plutôt abondants, ils sont dits « rares » en raison de leur traitement compliqué et coûteux.

L’explosion de la demande mondiale en métaux rares exacerbe parfois les tensions d’un marché essentiellement capté par la Chine. « La Chine représentait 70 % (120.000 T) de la production minière mondiale de terres rares en 2022, suivie par les États-Unisl’Australie, le Myanmar et la Thaïlande. Selon les données de l’United States Geological Survey (USGS), les réserves de la Chine sont estimées à 44 millions de tonnes d’équivalent d’oxyde de terres rares (ROE), soit 34 % du total mondial. Le Viêt Nam, la Russie et le Brésil disposeraient chacun d’un peu plus de 20 millions de tonnes, tandis que l’Inde en aurait 6,9 millionsl’Australie 4,2 millions et les États-Unis 2,3 millions ». (https://www.energymagazinedz.com/2023/10/25/terre-rares-la-chine-assoit-durablement-sa-domination-sur-lechiquier-mondial/ )

En 2022, la Turquie avait annoncé de son côté avoir découvert « la deuxième plus grande réserve de terres rares au monde dans le district de Beylikova, qui se trouve en Anatolie centrale, en Turquie. Selon les calculs réalisés par le gouvernement du pays, cette réserve représenterait « 694 millions de tonnes d’éléments de terres rares » supplémentaires à l’échelle mondiale. Une Seule réserve se positionne au-dessus : celle de Bayanoba, en Chine, qui en abrite environ 800 millions ».(https://www.energymagazinedz.com/2022/10/03/terres-rares-la-turquie-annonce-avoir-decouvert-la-deuxieme-plus-grande-reserve-au-monde/ )

Toujours selon l’USGS, selon les données de l’USGS, au point de vue traitementLa Chine abrite aussi au moins 85 %de la capacité mondiale de transformation des minerais de terres rares en matériaux utilisables par les fabricants, selon le cabinet de recherche AdamasIntelligence en 2019 ».

La Chine a par ailleurs utilisé cet avantage à au moins deux reprises comme une arme commerciale et géopolitique. Dans les années 2000, Pékin a décrété un embargo sur les livraisons au Japon après un regain de tension dans le différend qui oppose les deux pays à propos des îles Senkaku, situées sur la mer de Chine. L’autre exemple concerne l’instauration de quotas à l’export en 2010, afin de protéger son environnement et préserver ses ressources. Certains parlent d’une manœuvre destinée à augmenter les prix.

Inquiets de cette hégémonie et par crainte d’une rupture brutale de l’offre, les gros importateurs – les États-Unis, l’Union européenne, le Japon – ont décidé de s’affranchir du quasi-monopole chinois en diversifiant leurs sources d’approvisionnement. Dans cette perspective, plusieurs pays sud-américains et africains, dont l’Algérie, font figure d’alternative.

Qu’en est-il de l’Algérie ?

Selon certains experts dans le domaine géologique et miniers, Il existe certes de nombreux indices de présence de terres rares sous forme de gites minéraux ou surtout associés à d’autres ressources minières, ce qui pose un problème d’exploitation et de rentabilité, encore faut-il les cartographier et mener des études sur la possibilité de leur exploitation. Certains petits gisements comme leWolfram ont déjà été attribués à des exploitants privés mais cela demeure marginal. En ce qui concerne par exemple le lithium très précieux en ce moment, « nous possédons au Hoggar des accumulations liées à certains types de Granites (Granite Taourirt) où certains micas lithinifères peuvent être d’une très grande richesse (5.04% Li) »selon le Dr. N. Kazitani.

Les ressources minières algériennes sont notamment convoitées par la France, d’après la Déclaration d’Alger pour un partenariat renouvelé, signée le 27 août 2022 à l’issue de la visite d’Emmanuel Macron en Algérie. Selon ce document, les deux pays « entendent favoriser une relance de leurs échanges économiques et encourager le développement des partenariats entre leurs entreprises ainsi que la recherche pour l’innovation. Ces efforts porteront en priorité sur les secteurs d’avenir: le numérique, les énergies renouvelables, les métaux rares, la santé, l’agriculture et le tourisme ».

Dans ce contexte, de nombreux médias français et algériens ont affirmé que le « sol algérien abriterait 20% des métaux rares de la planète », attribuant cette estimation à « certains chercheurs », sans toutefois les nommer. Relayée par les réseaux sociaux, cette information pourtant non reconnue par le gouvernement ou étayée par des chiffres fiables a fait tache d’huile.

Plus récemment encore, le Ministre Algérien de l’Energie et des Mines entretenu par visioconférence avec deux organismes Russes, l’Institut de recherche géologique russe Karpinski etla Société d’exploration et de prospection pétrolière et minière GEOTECH, avec lesquels il a évoqué les opportunités de coopération dans le domaine minier. Les entretiens se sont déroulés en présence de cadres du ministère et des responsables du groupe minier SONAREM, de l’Agence Nationale des ActivitésMminières (ANAM) et de l’Agence du Service Géologique de l’Algérie (ASGA).Cette rencontre a porté sur les voies de coopération dans le domaine de la prospection et l’exploitation des ressources minières.

Un potentiel minier exceptionnel

Certes, la cartographie minière et les études géologiques réalisées par les organismes officiels dédiés montrent que l’Algérie jouit d’un potentiel minier exceptionnel. Néanmoins, les réserves attestées concernent des métaux plus courants (fer, zinc, plomb, cuivre…), dont une partie est déjà exploitée ou en cours de développement comme le fer de Gara Djebilet, le phosphate de tebessa, le Zinc-Plomb de Oued Amizour. A contrario, il n’existe à ce stade aucune étude de référence qui quantifie scientifiquement les ressources en métaux rares. De surcroît, la découverte d’un gisement ne donne pas d’indications sur son exploitabilité ni sur sa rentabilité.

Le problème de rentabilité et des impacts environnementaux 

L’autre aspect à ne pas négliger concerne les impacts environnementaux. Les terres rares sont relativement abondantes dans le monde, mais elles sont présentes en faibles concentrations et sont généralement mélangées entre elles ou avec des éléments radioactifs tels que l’uranium et le thorium. Les propriétés chimiques des terres rares les rendent difficiles à séparer des matériaux environnants, et leur traitement génère énormément de déchets toxiques. L’extraction, le broyage et le raffinage de ces minerais entraînent inévitablement des effets polluants accrus et irréversibles sur l’air, l’eau et les sols. L’Algérie devrait méditer l’expérience de la Chine. 1er producteur mondial, mais aussi premier raffineur, ce pays paie le prix fort de son leadership. Des zones entières sont aujourd’hui polluées par des boues toxiques, des particules métalliquesradioactives ou encore des résidus acides, ce qui provoque des atteintes graves à l’environnement et la santé des populations, comme en Mongolie-Intérieure.

Jusque dans les années 1980, les pays développés assuraient eux-mêmes les activités liées au traitement des métaux rares. Depuis, elles ont été transférées principalement en Chine et dans une moindre mesure en Birmanie, au Vietnam ou encore au Kazakhstan, pays où les lois environnementales sont moins strictes. C’est une façon pour les puissants de simplement délocaliser la pollution tout en poursuivant leur développement technologique.

S’il se confirme que son sous-sol renferme bien des gisements exploitables et rentables de métaux rares, l’Algérie doit alors faire les bons choix. Face au dilemme qui mêle enjeux économiques et protection de l’environnement, le bon sens devrait l’emporter … ou pas.

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