Les géants de l’énergie ont donné un rare aperçu de leurs stratégies commerciales en matière de gaz naturel liquéfié (GNL) ces derniers jours, les paris de Shell et de TotalEnergies sur la hausse de la demande asiatique ayant porté leurs fruits, tandis que celui de BP sur un déficit européen a tourné au vinaigre.
Ces résultats contrastés mettent en évidence la nature risquée des divisions commerciales, qui enregistrent parfois des profits spectaculaires lorsque les traders exploitent rapidement les fluctuations des prix et les perturbations de l’offre et de la demande dans le monde entier pour gagner de l’argent, mais qui, à d’autres moments, enregistrent des pertes tout aussi spectaculaires.
Les entreprises révèlent rarement des détails sur leurs activités de négoce, si ce n’est des commentaires généraux sur leurs performances, mais cette semaine, les dirigeants ont apporté quelques éclaircissements sur leurs performances au 3ème trimestre.
Shell et TotalEnergies ont parié du succès sur l’augmentation de la demande asiatique de GNL avant l’hiver, ce qui s’est traduit par des bénéfices importants. L’accent mis par BP sur les marchés du bassin atlantique, où la demande est restée faible en raison de stocks pleins, a entraîné une forte baisse des bénéfices liés au négoce.
Les bénéfices de 3,3 milliards de dollars réalisés par BP au troisième trimestre ont manqué les prévisions des analystes d’environ 20 %, ce qui s’explique en partie par les mauvais résultats du négoce de GNL. « Le négoce de gaz a été exceptionnel au premier trimestre, exceptionnel au deuxième trimestre et faible au troisième trimestre. Cela est dû à un manque de structure sur les marchés », a déclaré « Murray Auchincloss », PDG par intérim de BP, au média Reuters.« Les sociétés de trading gagnent de l’argent grâce à la volatilité. Et il n’y a tout simplement pas eu de volatilité », a ajouté M. Auchincloss.
L’absence de volatilité s’explique par le niveau élevé des stocks sur les marchés américain et européen, les acheteurs européens ayant fait des réserves pour éviter que ne se répètent les prix record du gaz l’hiver dernier, après que la Russie a interrompu les principales livraisons de gaz à l’Europe. Oswald Clint, analyste chez Bernstein, a déclaré que « BP est plus actif dans le commerce du GNL aux États-Unis et en Europe ». En revanche, « Shell et TotalEnergies sont plus exposés à l’arbitrage du GNL (différences de prix) entre l’Est et l’Ouest, ce qui s’est vérifié au troisième trimestre », a-t-il ajouté.
L’ASIE EST DE RETOUR
« Les acheteurs asiatiques sont de retour dans le secteur du GNL », a déclaré Patrick Pouyanne, PDG de TotalEnergies, aux analystes la semaine dernière. « Aujourd’hui, la plupart des cargaisons sont destinées à l’Asie car le marché spot est favorable à l’Asie ».
Un porte-parole de Shell a déclaré que les bénéfices élevés du négoce de GNL ont bénéficié d’ « opportunités d’arbitrage dues aux effets climatiques saisonniers », notamment les vagues de chaleur en Europe et en Asie, ainsi que l’incertitude sur la production de GNL en Australie en raison de la menace d’actions industrielles.
Les résultats du négoce ont aidé Shell à surmonter une baisse de la production de GNL due à la maintenance de plusieurs usines clés, notamment son installation flottante de production de GNLPrelude, d’une capacité de 3,6 millions de tonnes par an, située au large des côtes australiennes.
Shell est le premier négociant de GNL au monde, expédiant environ 66 millions de tonnes métriques en 2022, soit 16,5 %du marché mondial du GNL, qui s’élève à 400 millions de tonnes par an.
TotalEnergies, le 2ème plus grand négociant, a expédié 48 millions de tonnes l’année dernière. BP a négocié quant à lui environ 25 millions de tonnes l’année dernière, selon les analystes et les négociants.
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