Le G20 manque d’action sur les combustibles fossiles, alors qu’il se fixe des objectifs en matière d’énergie verte

Fakhreddine Messaoudi
Environnement & Climat
Fakhreddine Messaoudi14 septembre 2023
Le G20 manque d’action sur les combustibles fossiles, alors qu’il se fixe des objectifs en matière d’énergie verte

Les dirigeants du G20 ont « manqué à l’appel » en ce qui concerne l’aspect le plus important de la lutte contre le changement climatique, ont déclaré des groupes de défense, après que les principales économies ont échoué à fixer un calendrier pour la fin de l’utilisation des combustibles fossiles sans que les émissions ne soient capturées. Le groupe des 20 pays, qui représente environ 80 % des émissions mondiales de gaz à effet de serre, s’est mis d’accord sur l’objectif de tripler (x3) la capacité des énergies renouvelables d’ici à 2030 au niveau mondial, en s’inspirant du G7 qui s’est tenu plus tôt dans l’année.

Toutefois, la déclaration des dirigeants n’a pas fait référence à l’élimination progressive du pétrole et du gaz, bien que la combustion des combustibles fossiles soit le principal facteur du réchauffement climatique causé par l’homme. Ils se sont seulement engagés à « réduire progressivement » l’utilisation du charbon « en fonction des circonstances nationales » et ont évité de faire référence à l’élimination progressive de tous les combustibles polluants.
Cette mesure est jugée « indispensable » par les Nations unies dans la dernière évaluation des efforts déployés par près de 200 pays pour réduire leurs émissions de gaz à effet de serre.

Dans son premier « bilan mondial »,l’ONU a constaté que le monde était loin d’atteindre les objectifs de l’Accord de Paris visant à limiter le réchauffement climatique à 2 °C, ou idéalement à 1,5 °C, par rapport aux niveaux préindustriels. « Pour avoir une chance d’atteindre l’objectif de limitation de la température à 1,5 °C fixé par l’accord de Paris, il est essentiel de réduire fortement la production et l’utilisation de tous les combustibles fossiles… et sur ce point, les dirigeants du G20 ont manqués à l’appel », a déclaré Alden Meyer, associé principal chez E3G, le cabinet de conseil sur le climat.

L’attention va maintenant se porter sur la question de savoir si les pays peuvent se mettre d’accord sur une élimination progressive de tous les combustibles fossiles lors de la COP28, le sommet des Nations unies sur le climat qui doit se tenir à la fin de l’année à Dubaï, aux Emirat Arabes Unis, en dépit des tensions géopolitiques croissantes.
L’Arabie saoudite et la Chine ont pris la tête des efforts déployés par les économies dépendantes des combustibles fossiles pour bloquer un accord sur la fin des combustibles fossiles lors des réunions des ministres du climat et de l’énergie du G20 en juillet.

Selon des sources, l’Arabie saoudite s’est opposée à l’adoption d’un objectif en matière d’énergies renouvelables, demandant plutôt une plus grande promotion de l’utilisation des technologies de captage et de stockage du carbone qui permettraient de poursuivre la production de pétrole et de gaz. A ce propos, malgré les progrès réalisés dans le déploiement des énergies renouvelables et les technologies de capture du carbone, l’ONU affirme que le financement mondial actuel de l’action climatique représente toujours moins d’uncinquième de l’investissement annuel estimé à 4 000 milliards de dollars dans les technologies d’énergie propre, nécessaire pour respecter l’Accord de Paris. Les analyses précédentes ont également montré que les investissements dans les combustibles fossiles sont en hausse, les pays du G20 dépensant à eux seuls un montant record de 1 400 milliards de dollars en subventions aux combustibles fossiles en 2022, soit plus du double (x2) des niveaux d’avant la pandémie et la crise énergétique de 2019.

L’année dernière, lors de la COP27, l’Inde a proposé d’éliminer progressivement les combustibles fossiles, ce qui a reçu le soutien de plus de 80 pays. L’Union européenne devrait faire pression en ce sens lors du sommet sur le climat de cette année, aux côtés d’autres pays.

S’il n’y a pas eu d’accord sur les énergies fossiles, l’engagement du G20 à promouvoir les énergies vertes a été largement salué.

Le Sultanal-Jaber, président désigné des Émirats arabes unis (EAU) pour la COP28, a déclaré que le bilan de l’ONU« fournit une orientation claire » pour l’action nécessaire « en cette décennie critique », ajoutant que les pays du monde entier « doivent de toute urgence interrompre le statu quo et s’unir comme jamais auparavant pour passer de l’ambition à l’action et de la rhétorique à des résultats concrets ». Les Émirats arabes unis, pays riche en pétrole, n’ont pas encore soumis d’objectif de réduction nette à zéro aux Nations unies, malgré l’ « initiative stratégique » de leurs dirigeants pour 2050. En outre, un rapport publié en juillet suggère que la stratégie des Émirats arabes unis pour réduire les émissions est insuffisante et que les émissions de CO2 devraient augmenter jusqu’en 2030, car le pays prévoit d’accroître encore la production et la consommation de combustibles fossiles.

Andreas Sieber, directeur associé de la politique et des campagnes de 350.org, a déclaré que l’accord visant à tripler les énergies renouvelables constituait « une étape historique, une lueur d’espoir dans notre lutte contre le chaos climatique ».

Les responsables occidentaux ont déclaré que le soutien des pays en développement à des objectifs climatiques plus ambitieux était l’un des compromis obtenus en échange de la suppression de termes plus critiques à l’égard de la Russie dans la section de la déclaration commune qui faisait référence au conflit Russo-Ukrainien.

Dans une référence aux installations de capture du carbone, qui n’ont pas fait leurs preuves à grande échelle, la déclaration du G20 indique qu’en plus de développer les énergies renouvelables, les pays ont accepté de faire preuve « d’une ambition similaire en ce qui concerne d’autres technologies à émissions nulles ou faibles, y compris les technologies de réduction et d’élimination, en fonction des circonstances nationales d’ici à 2030 ».

Ils ont également reconnu la nécessité de mobiliser 4 milliards de dollars par an d’ici à 2030 pour financer les technologies énergétiques propres dans les pays en développement, afin de parvenir à des émissions nettes nulles d’ici à 2050. Le G20 a également soutenu la réforme des banques multilatérales de développement, telles que la Banque mondiale, afin qu’elles accordent des prêts supplémentaires pour lutter contre le changement climatique.

Au cours du sommet, le G20 a décidé d’inclure l’Union africaine parmi ses membres. Mohamed Adow, fondateur et directeur de Powershift Africa, a déclaré que l’inclusion de pays « en première ligne de la crise climatique » devrait « donner une impulsion pour améliorer la qualité et l’urgence de la réponse du G20 au changement climatique ».

Il faut savoir que la planète s’est déjà réchauffée d’au moins 1,1 °C et les émissions continuent d’augmenter, le pic des émissions de dioxyde de carbone (CO2) n’étant pas attendu avant 2025. En fait, le CO2 atmosphérique a atteint des niveaux record cet été, culminant à 424 parties par million (ppm) en mai, soit plus du double de ce qu’il était avant le début de la révolution industrielle au XIXe siècle. L’absence de consensus sur l’élimination progressive des émissions jette une ombre sur la prochaine conférence cruciale sur le climat – COP28 – qui doit débuter en novembre et se tenir aux Émirats arabes unis !

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