Ce sommet marque le début des quatre mois les plus chargés de l’année pour les négociations climatiques internationales.
Les décideurs africains ont donnés, lundi 4 septembre, au Kenya, le coup d’envoi d’un sommet visant à faire du continent une puissance émergente en matière d’énergies renouvelables et à appeler à une aide financière internationale pour révéler son potentiel. Les négociations climatiques internationales culmineront avec une bataille sur la fin des énergies fossiles à la COP28 à Dubaï, de la fin de novembre au début de décembre 2023.
Pendant 3 jours, dirigeants et responsables d’Afrique et d’ailleurs, dont le secrétaire général des Nations unies (ONU), Antonio Guterres, ont été accueillis dans la capitale, Nairobi, par le président kényan, William Ruto. M. Ruto qui souhaitait que ce sommet permette au continent de trouver un langage commun sur le développement et le climat afin de « proposer des solutions africaines » à la COP28.
Une opportunité pour le monde
Un positionnement africain sur le sujet permettrait de « sauver des vies et la planète du désastre », a-t-il dit lundi dernier. « Nous aspirons à définir un nouvel agenda de la croissance qui permette une prospérité partagée et un développement durable », a-t-il poursuivi sur X (ex-Twitter), en appelant la communauté internationale à dégager des fonds pour le continent et à alléger le poids de la dette pesant sur les pays africains.
L’Afrique, où vivent 1,2 milliard d’habitants répartis sur 54 pays, est politiquement et économiquement diverse et abrite des populations parmi les plus vulnérables au changement climatique. Le succès à Nairobi autour d’une vision partagée sur le développement vert de l’Afrique donnera un élan à plusieurs réunions internationales-clés avant la COP28, en premier lieu en septembre le sommet du G20 en Inde et l’Assemblée générale des Nations unies, puis en octobre la réunion annuelle de la Banque mondiale et du Fonds monétaire international (FMI) à Marrakech
Selon Joseph Nganga, nommé par William Ruto pour présider le sommet, la conférence devait démontrer que « l’Afrique n’est pas juste une victime mais un continent dynamique avec des solutions pour le monde ». « Nous avons le pouvoir de répondre à cette crise (…). L’Afrique représente une opportunité pour le monde si nous travaillons ensemble à des bénéfices mutuels », a estimé M. Nganga du mouvement Global Energy Alliance for People and Planet (GEAPP), qui promeut les énergies renouvelables dans les pays en développement.
Certains dirigeants africains ont décrit avec passion les conséquences du changement climatique. « Les mers qui nous berçaient autrefois nous avertissent désormais de la montée des marées », a déclaré le président de la Sierra Leone, Julius Maada Bio. « C’est une histoire africaine, et j’ose dire que c’est aussi une histoire mondiale »
Pour limiter le réchauffement climatique à + 1,5 °C par rapport à l’ère préindustrielle prévu par l’accord de Paris, l’investissement doit atteindre 2 000 milliards de dollars (1 851 milliards d’euros) par an en l’espace d’une décennie, a calculé le FMI. Le projet de « Déclaration de Nairobi » consulté par l’Agence France-Presse, évoque le « potentiel unique de l’Afrique pour être une partie essentielle de la solution ». Le document cite le vaste potentiel de la région en énergies renouvelables, sa main-d’œuvre jeune et ses atouts naturels, notamment 40 % des réservesmondiales de cobalt, de manganèse et de platine, essentiels pour les batteries et l’hydrogène.
Le Sommet africain sur le climat associe le fardeau « injuste » de la dette aux appels à rentabiliser les actifs verts du continent
Le changement climatique « ronge sans relâche » le progrès économique de l’Afrique et il est temps d’avoir une conversation mondiale sur une taxe carbone sur les pollueurs, a déclaré mardi le président du Kenya. « Ceux qui produisent les déchets refusent de payer leurs factures », a déclaré le président William Ruto, hôte du sommet, devant un auditoire composé de hauts responsables des États-Unis et de l’Union européenne, certains des plus grands émetteurs de gaz à effet de serre au monde. Le continent africain perd chaque année entre 5 et 15 % de la croissance de son produit intérieur brut en raison des impacts généralisés du changement climatique, selon Ruto. C’est une source de profonde frustration dans cette région riche en ressources et qui contribue de loin le moins au réchauffement climatique.
Lui et d’autres dirigeants ont appelé à des réformes des structures financières mondiales qui ont obligé les pays africains à payer environ cinq fois plus pour emprunter de l’argent que d’autres, aggravant ainsi la dette. L’Afrique compte plus de 30 des pays les plus endettés du monde, a déclaré le secrétaire du Cabinet kenyan chargé de l’environnement, Soipan Tuya.
Certaines des plus grandes économies d’Afrique dépendent des combustibles fossiles. Les centrales au charbon d’Afrique du Sud sont en difficulté. Certaines parties du delta du Niger au Nigeria sont recouvertes de nappes pétrolières. Certaines villes africaines connaissent la pire pollution atmosphérique au monde. Un projet de pipeline de TotalEnergies en Ouganda et en Tanzanie est remis en cause.
Ruto a déclaré que les 54 paysd’Afrique« doivent passer au vert rapidement avant de s’industrialiser et non l’inverse, contrairement aux pays les plus riches qui ont le luxe de le faire». Transformer l’économie africaine sur une trajectoire verte « est le moyen le plus réalisable, juste et efficace d’atteindre un monde zéro émission nette d’ici 2050 », a-t-il déclaré.
Ruto a cependant critiqué la « dépendance » aux combustibles fossiles. Son pays tire désormais plus de 90 % de son énergie de sources renouvelables. « Nous n’avons pas besoin de faire ce que les pays développés ont fait pour propulser leurs industries. Il sera plus difficile d’utiliser exclusivement les énergies renouvelables, mais cela est possible », a déclaré Martha Lusweti, une participante locale au sommet.
Le continent africain possède 60 % des actifs mondiaux en matière d’énergies renouvelables et plus de 30 % des minéraux essentiels aux technologies renouvelables et à faibles émissions de carbone. L’un des objectifs du sommet est de transformer le récit autour du continent de victime en partenaire riche et affirmé. « Il devient de plus en plus difficile d’expliquer à notre peuple, en particulier à nos jeunes, la contradiction : un continent riche en ressources et des populations pauvres », a déclaré le président éthiopien Sahle-Work Zewde.
Le financement climatique est essentiel, ont déclaré les intervenants. L’engagement des pays les plus riches de verser 100 milliards de dollars par an pour aider les pays en développement à atteindre leurs objectifs climatiques n’est toujours pas tenu, et Ruto a déclaré que la déclaration du sommet « encouragera fermement » tout le monde à tenir ses promesses.
Des promesses et des intérêts
Le PIB de l’Afrique devrait être réévalué en fonction de ses atouts, parmi lesquels la deuxième plus grande forêt tropicale et la biodiversité du monde, a déclaré le président de la Banque africaine de développement, Akinwumi Adesina. « L’Afrique ne peut pas être riche en nature et pauvre en liquidités », a-t-il déclaré.
Mais les divisions sont évidentes autour d’une question peu évoquée dans les discours d’ouverture et pourtant au cœur des discussions difficiles à venir : les combustibles fossiles. L’Afrique doit utiliser ses ressources en gaz naturel – un intérêt croissant de l’Europe – ainsi que les sources d’énergie renouvelables, a déclaré Adesina. « Donnez-nous un espace pour grandir », a-t-il déclaré.
Les Émirats arabes unis, qui accueilleront la prochaine réunion des Nations Unies sur le climat « COP 28 » plus tard cette année, ont annoncé leur intention d’investir 4,5 milliards de dollars dans le « potentiel énergétique propre » de l’Afrique.
La présidente de la Commission européenne, Ursula Von der Leyen, a déclaré que les pays africains pourraient produire suffisamment d’énergie propre pour alimenter le continent et exporter à l’étranger, « mais pour cela, l’Afrique a besoin d’investissements massifs ».
Le secrétaire général de l’ONU, Antonio Guterres, a déclaré aux participants au sommet qu’il était temps pour le monde de « briser notre dépendance aux combustibles fossiles ». Les dépenses mondiales en subventions aux combustibles fossiles ont atteint 7 000 milliards de dollars en 2022, selon le Fonds monétaire international.
L’envoyé du gouvernement américain pour le climat, John Kerry, a reconnu la « dette aiguë et injuste ». Il a également déclaré que 17 des 20 pays les plus touchés par le changement climatique se trouvent en Afrique–tandis que les 20 pays les plus riches du monde, dont le sien, produisent 80 % des émissions mondiales de carbone qui sont à l’origine du changement climatique. Interrogé sur l’appel du président kenyan à une discussion sur la taxe carbone, Kerry a déclaré que le président Joe Biden n’avait « pas encore adopté un mécanisme particulier de tarification du carbone ».
Des absences remarquées
Les dirigeants d’un certain nombre des plus grandes économies d’Afrique, notamment l’Afrique du Sud, le Nigeria et l’Égypte, ainsi que le Congo riche en forêts, étaient absents du sommet.
La Chine, le plus grand émetteur mondial de gaz à effet de serre, le plus grand partenaire commercial de l’Afrique et l’un de ses plus grands créanciers, était également absente des principaux intervenants.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=3258