Comment le premier exportateur mondial de GNL pourrait perdre sa couronne

Fakhreddine Messaoudi
2023-06-26T13:04:59+02:00
Hydrocarbures
Comment le premier exportateur mondial de GNL pourrait perdre sa couronne

L’année dernière, l’Australie est devenue le premier exportateur mondial de GNL. Aujourd’hui, le secteur lui-même affirme que l’Australie pourrait perdre son statut de superpuissance du GNL, voire même pire.

Il s’agit d’une affirmation curieuse après avoir expédié l’an dernier un volume stupéfiant de 82 millions de tonnes de GNL, d’une valeur de 63 milliards de dollars. Il s’agit d’un record mondial (les États-Unis ont exporté un peu plus de 79 millions de tonnes et le Qatar un peu plus de 81 millions de tonnes).
Lorsque cette affirmation émane directement de l’exploitant du projet australien Ichthys LNG, basé à Darwin, et de l’un des principaux investisseurs du GNL australien, il convient d’y prêter attention.
Le projet Ichthys LNG est exploité par la société japonaise INPEX, et son PDG, Takayuki Ueda, a récemment averti que le renforcement de la réglementation gouvernementale, y compris la possibilité que le gaz destiné aux projets de GNL soit détourné vers le marché intérieur, menaçait le nouveau statut de superpuissance du pays en matière de GNL. Dernièrement, le gouvernement australien est intervenu de manière plus agressive sur les marchés locaux du gaz. (L’année dernière, à la suite de la crise énergétique de la côte est, le gouvernement fédéral a renforcé le mécanisme de sécurité du gaz domestique australien (ADGSM), qui lui donne plus de pouvoir pour limiter les exportations de GNL).

Bien que le gouvernement fédéral se soit empressé de rassurer les clients sur le fait qu’il restait un fournisseur fiable de GNL, un examen plus approfondi de l’état du secteur gazier australien révèle que les inquiétudes de M. Ueda ne sont pas aussi folles ou farfelues qu’elles le paraissent à première vue. (Il est à noter que Pékin partage l’avis de M. Ueda, l’ambassade de Chine à Canberra s’étant fait l’écho de ses préoccupations).

L’Australie compte dix projets de GNL en cours d’exploitation, d’une capacité totale de 88,6 millions de tonnes par an (Mtpa). Le projet PlutoTrain 2, actuellement en construction, portera la capacité totale à 93,6 millions de tonnes par an (126 milliards de mètres cubes) lorsqu’il entrera en service en 2026. Le GNL australien a également été très fiable, atteignant 93 % de la capacité nominale en 2022.

Alors, qu’est-ce qui pourrait bien aller de travers ?

Tout d’abord, les réserves de gaz australiennes et les gisements de gaz qui ne sont pas remplacées malgré l’arrivée en fin de vie d’importants gisements de gaz hérités du passé. Il est probable que cela se traduise par des pénuries sur le marché intérieur, ce qui pourrait conduire à ce que le gaz destiné à la liquéfaction puis à l’exportation soit détourné vers le marché intérieur. Depuis mars 2018, les réserves de gaz prouvées et probables de l’Australie ont chuté de 11 %, passant de 114 481 PJ (3.057 milliards de m3) à 101 869 PJ (2.721 milliards de m3). Les marchés ont déjà entendu parler de cette situation : En 2021, ExxonMobil Corp. exploitant du bassin de Gippsland au large de l’État de Victoria, a averti que le nombre de puits de production passerait de 68 en 2022 à 36 d’ici l’hiver prochain. L’année dernière, le bassin de Gippsland a répondu à plus de 70 % de la demande intérieure de gaz du sud-est de l’Australie.

Deuxièmement : les lois sur le changement climatique. Le gouvernement australien est devenu plus strict dans ses lois sur le climat et a adopté des objectifs de réduction des émissions de gaz à effet de serre, plus ambitieux. L’une des nouvelles lois stipule que les futurs projets gaziers doivent être « nets zérodès le premier jour ». Ce n’est pas une mince affaire si l’on considère que les projets de GNL sont d’importants émetteurs, car de nombreux gisements de gaz australiens sont connus pour contenir d’importants volumes de CO2.

Troisièmement, l’augmentation de la demande intérieure due à la fermeture des centrales au charbon signifie que davantage de gaz devra être détourné des projets GNL de la côte est, qui ont eux-mêmes leurs propres problèmes d’approvisionnement en gaz.

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