INTRODUCTION
La diversification de l’économie nationale, comme dimension essentielle de developpement est déjà une réalité pour certains secteurs et un objectif majeur inscrit dans le nouveau modèle de croissance de notre pays. Les ressources minérales peuvent servir de carburant au développement économique, et de catalyseur d’une croissance multisectorielle inclusive et d’un développement des marchés des ressources. Ceci passe par une connaissance exhaustive du potentiel et du patrimoine minier faiblement exploré.
Les autorités accordent un intéret particulier au secteur minier et mobilisent tous les efforts et moyens pour le relancer afin de de contribuer à la diversification de l’économie nationale. Le lancement de l’exploitation de la mine de fer de Ghar Djebilet n’est qu’une preuve de cette volonté de donner un coup d’accélérateur à ce secteur dont le potentiel n’est plus à démontrer, ou encore le projet intégré d’exploitation et de transformation du phosphate à l’Est du Pays, en plus du projet de developpement et d’exploitation du gisement de Zinc-plomb.
Toute cette volonté est la concrétisation de la feuille de route tracée dans le cadre de la stratégie nationale de développement et de valorisation des ressources minieres en application du programme national des grands projets structurels visant la relance du secteur minier, ainsi que l’industrie sidérurgique, en exécution des instructions du Président de la République.
ETAT DES LIEUX DANS LA FILIERE
Il n’en demeure pas moins que les gîtes et gisements decouverts , sont encore sous- exploités et peu valorisés, notamment en ce qui concerne la filiere pierre ornementale en Algérie, relevant du secteur mines. Elle n’a qu’un faible poids économique, et tarde à voir le jour, alors que les importations se poursuivent d’Italie, de Grece, de Turquie…, juste pour que les opérateurs en place alimentent l’outil de production avec cette matiere premiere (blocs de marbre et granit) et produits semi finis importés (dalles de marbre/granite). La nature et le volume des roches importées confirme l’insuffisance du niveau de production locale à partir des carrieres de marbre/granite en exploitation. Avec l’avenement des produits etrangers sur notre marché local, les produits nationaux ont été presque écartés du champ de consommation du citoyen Algérien devenu exigeant sur le couple qualité/prix/delais non compétitif.
La consommation locale ne cesse d’augmenter profitant beaucoup plus aux importations (Italie, Espagne, Turquie, Grece, Egypte..). L’ insuffisance dans la valorisation est un des freins majeurs au développement du « made in Algéria ». S’y ajoutent les défis de la qualité, de la montée en gamme des produits importés travaillés par des processus technologiques de derniere géneration ainsi que le manque de formation dans l’extraction et la transformation bien que le potentiel humain local de terrain dispose d’un savoir-faire impressionnant malheureusement sous exploité et marginalisé. La profession peine à s’en sortir, et l’activité semble tourner au ralenti pour les exploitants de carrieres de marbre et autres pierres, pour ne pas dire s’arreter. La demande en produit fini local se fait rare, en dehors de celle de quelques projets privés ou de commande publique aléatoire. Le deferlement des produits importés ont asphyxié les produits locaux. Il est à souligner également que certains cahiers des charges n »exigent pas le produit local de cette filiere de pierre ornementale, telle est la problématique pénalisante pour les opérateurs de la transformation.
L’industrie de la filiere pierre ornementale en Algérie regroupant les marbres, granite, travertin, onyx… en tant que telle, n’existe pas en réalité du fait qu’elle ne fait pour l’essentiel que transformer des produits d’importation au dépend du produit national, appauvri et reduit à “néant”, ce qui explique une valeur ajoutée peu contributive à la formation du produit intérieur brut (PIB), et que «Tout ce qui n’est pas en train de naître est en train de mourir » (Bob Dylan). Le ministre en charge du secteur a recemment déclaré que « les carrieres de marbre à travers le pays, au nombre de 20 carrieres ne produisent que 15% des besoins du marché local, alors que 500.000 tonnes de marbre et granite sont importés annuellement ». Aussi faut-il developper ce patrimoine qui vehicule toute une histoire, et le rappel de la nationalisation des mines du 06 Mai 1966 est revelateur des défis réalisés, à l’époque, par l’engagment des premiers cadres algériens, avec leurs performances et leur vrai nationalisme, d’une naîveté intellectuelle et professionnelle extraordinaire sur le terrain et dont on parle encore avec respect.
Pour rappel, la filiere pierre ornementale à permis de développer une activité industrielle dans de nombreuses régions du monde, leur conférant des rangs respectables de producteurs et d’exportateurs, une place de choix au niveau mondial et africain, et une contribution dans la diversification de leur économie, tout en nouant des partenariats qualitatifs. L’Algérie doit par conséquent favoriser la valorisation de ses ressources en pierres naturelles au niveau local, à travers une industrie locale compétitive qui, grace à la création d’emploi, à la valeur ajoutée …, favorise un developpement durable à grande échelle. Il y a donc une nécessité de changement de paradigme dans la reflexion sur ce secteur.
UN EVENEMENT POUR REDYNAMISER LA FILIERE LOCALE
La tutelle du secteur minier devrait envisager l’organisation d’un évenement, du genre salon international des marbres/granites en Algerie ou/et Salon international des pierres naturelles en Algerie, tel que « Algeria Stone », à l’exemple de la foire de carrara, d’Izmir, India stone…dédié exclusivement aux professionnelles du marbre/granite et des pierres naturelles et ornementales exclusivement locales. Il pourrait par exemple consister en un regroupement de toutes les Entreprises du secteur privé et public dans l’ensemble de la chaine d’approvisionnement, autour d’expositions sur les produits, les usages, les techniques d’exploitation et de transformation, ainsi que des débats sur la profession et les themes qui lui sont liés. C’est probablement ce genre d’évènement qui donnera plus de visibilité sur la filière et ses potentialités, de synergie potentielles et de perspectives de développement. « Algeria Stone » devrait être une vitrine qui pourrait mettre la pierre naturelle au centre de l’attention des acteurs du secteur, architectes, designers, architectes d’intérieur et opérateurs des secteurs de l’ameublement et du bâtiment.
C’est un évènement économique et professionnel dédié à tous les acteurs de la filière pierre ornementale, offrant une opportunité d’échanger et d’information sur les réalités du terrain, de promotion et d’encouragement de la production nationale. Il permettra surement aussi de valoriser la production nationale à l’exportation, à travers l’accès aux données sur les évolutions du marché des produits de cette filière.
REORGANISER LA FILIERE POUR REPONDRE AU MARCHE NATIONAL ET EXPORTER
La filiere pierre ornementale doit etre replacée dans son contexte national et international pour évoluer dans un environnement de plus en plus concurrenciel, avec une stratégie agressive afin de reprendre des parts du marché localement, et investir le marché international. Celà peut se faire sur la base des chaînes de valeurs en exploitant les avantages comparatifs en termes d’énergie, de climat, de coûts de production et autres. Elle peut parfaitement contribuer au developpement et à la diversification, et baisser la facture des importations, qui constituent un risque recessif inquietant pour toute l’infrastructure réalisée en amont et en aval, de la filiere pierre ornementale.
Une telle démarche necessite d’abord un audit de la filiere pierre ornementale, auquel les competences nationales, les professionnels du terrain et d’autres experts doivent participer. On peut meme envisager la possibilité d’une assistance d’une expertise etrangére seléctionnée à ce diagnostic stratégique et operationnel pour des recommandations destinées à préciser les forces et faiblesses et dégager des mesures concretes à mettre en oeuvre pour des objectifs économiques précis.
LE POTENTIEL QUALITE ET ATTRACTIVITE DES PIERRES ALGERIENNES
Elles ont déjà demontré leur beauté et leur caractere unique en tant que matériau noble avec un cachet que d’autres produits n’ont pas forcemment. De prestigieux monuments construits à des periodes differentes, portent la marque de la pière algérienne. Aux USA, la Maison Blanche porte les couleurs chatoyantes de l’onyx de Aîn Smara, le Chrysler Building est orné par du marbre de Bouhnifia (w.de Mascara), le Rokcfeller Center est decoré par les marbres rouges de la carriere de Kristel (ouest du pays). L’hotel particulier parisien de la PAÎVA, l’Opera Garnier de Paris, sont tous caractérisés par les differentes combinaisons réalisées avec ces pierres algeriennes qui ont donné à ces monuments plusieurs niveaux de vitalité, au caractere unique de splendeur originale et de beauté.
La couleur et la splendeur des produits des gisements d’onyx de Ain Smara et Bouhnifia, leur attribuent une précieuse valeur qui malheureusement ne sont pas actuellement en exploitation. La reprise de l’exploitation du gisement d’Onyx de Ain Smara avec la méthode d’extraction souterraine (selon l’avis d’appel national publié) recommande au préalable une étude de faisabilité et de rentabilité avec la connaissance géologique du gisement.
Les couleurs du marbre « Onyx Mahouna » de la localité de Boumahra (Guelma), sont aussi trés variées avec des tonalités blanches, jaunes et rouges, dans un agréable mélange de nuances disposées en bandes minces et parallèles lui conférant ainsi un joli motif, avec une tenue d’une grande élégance, variant l’intensité de l’ambiance recherchée, bien qu’il est recommandé un traitement particulier en termes d’exploitation et de transformation.
Dans le gisement de marbre blanc de Filfila (Skikda), on trouve des materiaux de toutes nuances avec un blanc saccaroîde à grain fin qui merite d’étre qualifié de “statuaire ». C’est un produit insuffisamment mis sur le marché par rapport à celui qui est le plus importé, et il n’est plus possible de continuer à observer la contre performance de cette carriere qui a trop duré. Ce marbre blanc merite d’etre mieux mis en évidence de par l’intensité de sa demande locale insatisfaite (en brute et produits finis) et des commandes à l’export en instance au sort inconnu. Le gisement de Filfila pourrait constituer un formidable levier de developpement pour bàtir un tissu économique compétitif.
REDYNAMISER L’EXPLOITATION ET L’EXPORTATION
La carriere de Fil fila dont le potentiel (reserves) exploitable est estimé à plus de 6 millions de metre cube, pourrait permettre d’arreter definitivement les importations de cette categorie de roches en hissant le niveau de production à un minimum de 2500 M3/mois pour satisfaire les marbriers transformateurs en blocs de marbre et les artisans marbriers en dalles finies et semi finies. Telle est la solution pour mettre fin à la sous exploitation du gisement de marbre blanc caractérisé par un sous-emploi.
Certes toute une ingeneerie doit etre mise en place avec une methode de developpement, d’exploitation aux exigences environnementales, aux specificités de la nature du gisement et à un standart international avec une meilleure productivité pour etre compétitif. Il y a lieu par conséquent de mettre en place un programme d’excellence opérationnelle avec l’harmonisation des technologies d’extraction de dernière génération pour le développement de l’exploitation des carrières selon le standard international.
Il faut rappeler que les quantités importées sont en évolution exponentielle, passant de 34 millions de dollars en 2006 à plus de 64 millions de dollars en 2010. Au cours de l’année 2018, les importations ont atteint 85 millions USD pour le marbre, granite et autres pierres de taille (source: Direction des études et de la prospective des douanes-produits bruts). En 2020/2021 elles ont dépassé les 72 millions de dollars en 2020/21(chiffres à actualiser). Les ventes de materiaux en pierres italiennes sur le marché Algérien se sont élevées à plus de 7 millions d’Euros en 2021, en plus des quantités de pierres provenant de Turquie et de Grece…
Parmi les pays considérés comme producteurs et exportateurs de marbre/granite et autres, on peut citer la Grece avec plus de 265 carrieres de marbre actives, avec 80% des exportations totales provenant du centre de la carriere de Macedoine orientale, occupant 30,5% du total des carrieres du Pays.
La Turquie se classe au 10ème rang pour la diversité des minéraux dans le monde, et compte 80 types de mines, 650 couleurs et motifs de marbre, et 150 types différents de pierre naturelle, selon Dincer Aydin Dincer, président de l’Association des exportateurs de minéraux d’Istanbul (IMIB). Ses exportations en 2021 ont atteint 1,602 milliards de dollars, avec une concentration des exportations de blocs bruts vers la Chine (64% du total), et une concentration des exportations en produits transformés vers les USA (semi finis et finis en dalles et carreaux de pierre naturelle) avec 34% du total.
La présente modeste contribution est le prolongement de mes differents articles sur les produits de la pierre ornementale, du secteur mines et carrières, qui nous interpelle aujourd’hui plus que jamais pour ne pas risquer de sombrer davantage dans une autre nouvelle dépendance du «made in…» qui pèse sur cette filière Algerienne, alors que la disponibilité des ressources géologiques prédispose cette filière à se positionner parmi les pays à vocation minière
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=2787