Contexte historique : 52ème anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures en Algérie

Rédaction (A.M)
2023-02-23T19:05:05+01:00
Hydrocarbures
Rédaction (A.M)23 février 2023
Contexte historique : 52ème anniversaire de la nationalisation des hydrocarbures en Algérie

Le 24 février 1971, il y a 52 ans, le regretté président « Houari Boumediene » annonçait aux cadres syndicaux de l’Union généraledes travailleurs algériens sa décision de nationaliser l’industrie des hydrocarbures. Cette prise de contrôle par l’État de l’infrastructure de transport et de production, ainsi que de 51 % des actifs des entreprises pétrolières françaises, entraîne, à l’époque, un renversement des rapports de force entre anciens colonisateurs et anciens colonisés.

En prenant possession du pétrole et du gaz du Sahara, les Algériens accèdent à des ressources qu’ils pourront mettre au service des projets de développement du pays. Pour la France, cette décision implique la perte du monopole qu’elle avait imposé sur les gisements sahariens lors de la découverte d’Hassi Messaoud en 1956.

Ces deux perceptions opposées d’un même événement, relayées par les médias et les responsables politiques, ont contribué à renforcer le conflit de mémoires et à limiter la compréhension de l’histoire des relations franco-algériennes

Entre choc économique et victoire politique

En France, la nationalisation des hydrocarbures est présentée comme une page douloureuse de l’histoire de l’énergie. Dans ce sens, la prise de contrôle des entreprises françaises est associée à la fin de la longue phase de prospérité économique commencée dans l’après-guerre. Autrement dit, l’avènement de l’ère de la pénurie d’essence ferme la parenthèse des Trente Glorieuses et marque un coup d’arrêt dans la course de la France vers la modernité.

En Algérie, en revanche, la nationalisation est saluée en tant que grande victoire contre l’ancienne puissance coloniale et ses entreprises, ces dernières étant perçues comme des instruments de la domination française sur le pays. Ainsi, quand le président Boumediene prononce son fameux discours du 24 février, il exprime clairement la volonté de « porter la révolution dans le secteur des hydrocarbures » afin d’assurer la création d’une industrie algérienne autour de la société nationale Sonatrach.

Choc économique pour les uns, révolution politique pour les autres, la nationalisation des hydrocarbures adopte un sens différent si nous l’analysons dans son contexte historique.

Cette décision est en effet annoncée durant les négociations sur l’augmentation de la fiscalité et des prix du brut engagées par l’Organisation des pays exportateurs de pétrole avec les entreprises pétrolières qui jusqu’ici fixaient seules le cours du baril. La stratégie algérienne se révèle gagnante et d’autres États producteurs choisissent de l’imiter dans les mois qui précèdent le choc pétrolier de 1973.

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Négociation entre les membres de l’OPEP et les représentants des compagnies pétrolières occidentales, le 8 octobre 1973 à Vienne – Crédit image : AFP

Le succès des nationalisations confirme que les pays producteurs ne seront désormais plus des engrenages passifs d’une machine industrielle complexe et que le pétrole n’est pas l’affaire exclusive des grandes entreprises multinationales.

La formation de travailleurs locaux

L’histoire du pétrole saharien est souvent présentée comme un conflit qui a profondément influencé les relations entre la France et l’Algérie. Cela est dû à une vision très politisée du rôle joué par les hydrocarbures dans l’indépendance algérienne. Pourtant et en dépit de l’influence du système colonial, la conflictualité a été moins forte dans l’industrie du pétrole que dans d’autres secteurs, tels que l’agriculture et la sidérurgie.

Lors du démarrage de l’exploration du Sahara au début des années 1950, les entreprises françaises manquent de connaissances techniques, de capitaux et de personnel qualifié. La Compagniefrançaisedes pétroles et les filiales du Bureau de recherche des pétrolesl’organisme d’État chargé de coordonner la politique nationale de recherche pétrolière – n’avaient jamais conduit des campagnes d’exploration d’une telle échelle en toute autonomie. Pour assurer le démarrage des chantiers, les entreprises doivent donc embaucher et former massivement des travailleurs locaux.

Métropolitains, « pieds noirs » et « Français musulmans d’Algérie » sont alors intégrés aux équipes techniques des sociétés. Certes, la domination coloniale ne remet pas en cause la hiérarchisation socioprofessionnelle et le système de division du travail. Mais le recrutement d’« indigènes » originaires des oasis sahariennes se révèle fondamental pour le développement de la jeune industrie.

La présence de travailleurs locaux au sein des entreprises pétrolières assure la naissance d’une classe ouvrière et d’une élite de techniciens qui assureront le bon fonctionnement des installations au lendemain de la nationalisation.

Du système de domination aux mécanismes de coopération

Quand l’Algérie devient un pays indépendant en 1962, les ressources du Sahara restent temporairement propriété des sociétés concessionnaires. Les grèves syndicales et les réformes socialistes inaugurées par le président Ahmed Ben Bella contribuent toutefois à accélérer la transition vers un nouveau mode d’activité.

L’Algérie obtient une participation dans le capital des entreprises auparavant contrôlées par le gouvernement colonial et introduit des obligations de recrutement et de formation des travailleurs locaux. L’« algérianisation » de l’industrie des hydrocarbures impose donc de mettre en œuvre une nouvelle stratégie de gestion des ressources humaines pour remplacer les Françaisexpatriés par des techniciens locaux.

Par ailleurs, dès 1965 la création d’une association coopérative entre Sonatrach et les sociétés pétrolières permet à la France de sécuriser l’accès aux sources d’énergie alors que l’Algérie obtient l’assistance nécessaire à poursuivre ses projets de développement industriel.

La transition entre un système de domination coloniale et un modèle d’association coopérative (Accord ASCOOP de 1965) contribue à repousser de plusieurs années la nationalisation des hydrocarbures, qui viendra surprendre tout le monde en 1971.

Le 24 février 1971 a certainement permis d’ouvrir un nouveau chapitre dans l’histoire de l’énergie, tout en permettant des négociations entre Sonatrach et la Compagnie française des pétroles et Elf Aquitaine, qui ont donné naissance à la signature en 1972 de nouveaux accords de partenariats en matière d’exploration sur un domaine minier maintenant contrôlé à 100% par l’Etat Algérien tout au long des années 70.

C’est ainsi qu’aujourd’hui, l’Algérie est devenue le 2ème producteur de pétrole en Afrique et le 7ᵉ exportateur de gaz naturel au monde. Ces résultats ne dépendent pas seulement de la disponibilité de ressources dans son sous-sol, mais aussi du développement de ses capacités industrielles et humaines et garanti à Sonatrach un accès privilégié aux marchés mondiaux.

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