Signe d’une crise énergétique sans précédent, c’était la première fois que l’organisation se réunissait en présentiel depuis mars 2020. Les Etats membres de l’Organisation des Pays Exportateurs de Pétrole (Opep) et leurs alliés, réunis mercredi 5 octobre à Vienne en Autriche, ont décidé d’une coupe de leurs quotas de production, afin de soutenir des prix affectés par les craintes de récession. Les treize membres de l’OPEP, menés par l’Arabie-Saoudite, et leurs dix partenaires, conduits par la Russie, ont convenu d’une « forte réduction de la production de pétrole, à hauteur de 2 millions de barils par jour en moins » a annoncé l’alliance dans son communiqué, ce qui représente environ 2% de la production mondiale.
Ces décisions ont été prises, explique l’alliance, « à la lumière de l’incertitude qui entoure les perspectives de l’économie mondiale et du marché pétrolier, et de la nécessité d’améliorer les orientations à long terme pour le marché pétrolier, et conformément à l’approche réussie d’être proactif et préventif, qui a été systématiquement adoptée par les pays participants de l’Opep et non membres de l’Opep dans la déclaration de coopération ».
Il s’agit de « la réduction la plus importante depuis le début de la pandémie » de Covid-19, a réagi « Srijan Katyal », de la société de courtage « ADSS ». Elle va probablement « doper les prix », a-t-il ajouté, à rebours des efforts des Occidentaux pour enrayer la flambée des coûts de l’énergie pesant sur la croissance mondiale.
Car en effet les deux références mondiales du brut ont perdu du terrain ces dernières semaines, bien loin des sommets enregistrés en mars au début du conflit Russo-Ukrainien (près de 140 dollars). Les cours se situaient ce mercredi matin vers 91 dollars le baril de Brentde la mer du Nord, et 86 dollars pour le baril de WTI, son homologue américain avant d’atteindre respectivement dès Jeudi 93,34 et 87.75 dollars.
Les États-Unis déplorent cette décision
Sans surprise, la nouvelle a provoqué une réaction glaciale de Washington. « Joe Biden » est « déçu de la décision à courte vue de l’Opep », selon un communiqué publié mercredi par la Maison Blanche. Cette décision « aura un impact très négatif sur les pays à moyen et bas revenus, qui souffrent déjà des prix élevés de l’énergie » toujours selon le communiqué de la Maison-Blanche.
Le président américain s’échine depuis des mois à tenter d’endiguer l’envolée des prix qui érode le pouvoir d’achat des ménages, allant même jusqu’à se rendre à Riyad en juillet lors d’une visite très controversée.
Certains délégués de l’OPEP+ auraient même, en catimini, confirmé au « Wall Street Journal » que cette diminution de la production permettrait de compenser la perte de parts de marché de la Russie. Mieux, les délégués auraient reconnu que cette décision « représentait un effort sans précédent de la part des plus grands producteurs de pétrole pour aider ensemble la Russie, aux prises avec les problèmes économiques et politiques causés par la guerre en Ukraine ».
Pour « The Wall Street Journal », il s’agit d’une décision « susceptible de faire grimper les prix mondiaux déjà élevés de l’énergie et d’aider la Russie ».
Bonne nouvelle pour la Russie
Les effets de ces mesures pour Moscou sont justement au cœur de l’analyse du quotidien économique, qui explique que, selon les experts, « cette décision serait une grande victoire pour la Russie, qui a perdu environ 1 million de barils par jour de production de pétrole depuis le début de la guerre, en février ».
La Russie devrait en effet voir les profits de ses exportations augmenter, dans un contexte où le pouvoir russe est menacé par « la perspective d’un embargo de l’Union européenne sur le pétrole et le plafonnement des prix de celui-ci décidé par le G7 » toujours selon « Wall Street Journal »
Une décision prévisible :
Plus tôt dans la journée bien avant la réunion de l’OPEP, l’hypothèse d’une réduction de la production d’or noir alertait déjà les experts. « Cela pourrait diminuer l’offre de manière significative et pousser les cours de nouveau au-delà de 100 dollars le baril », avertissait l’analyste « Craig Erlam », d’ « Oanda ». « Juste au moment où les consommateurs poussaient un soupir de soulagement », les prix à la pompe ayant fortement reculé depuis cet été.
24h avant la réunion de l’OPEP+ le « The Financial Times » avait publié un article déclarant que l’Arabie Saoudite et le Russie songeaient à réduire le quota de production de l’Organisation. Ainsi « L’Arabie Saoudite cherche à augmenter les prix du pétrole lors de réunion cruciale de l’OPEP aujourd’hui Mercredi 5 octobre à Vienne, dans une démarche qui devrait provoquer la colère des États-Unis et ménager la Russie » pouvait-on lire dans les colonnes du journal économique britannique. « Riyad, Moscou et d’autres producteurs sont sur le point d’annoncer des réductions importantes … L’ampleur de la réduction doit encore être convenue, mais l’Arabie saoudite et la Russie font pression pour des réductions de 1 à 2 millions de barils par jour ou plus, bien que celles-ci puissent être échelonnées sur plusieurs mois. Les réductions déclencheraient probablement des contre-mesures américaines, selon les analystes » toujours selon le « The Financial Times ».
Dans le même contexte, quelques heures avant le début de la réunion l’analyste « Raad Alkadiri » de chez « Euarsia Group » avait déclaré « Ce n’est plus l’Arabie Saoudite d’antan et les États-Unis ont peut-être été un peu lents ou réticents à le reconnaître en matière d’énergie », en ajoutant « S’ils veulent un prix du pétrole plus élevé, ils ont clairement indiqué qu’ils allaient poursuivre dans cette voie, même si cela entraîne une réponse immédiate de la part des États-Unis ».
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=1999