Le rapport de la Banque mondiale sur le torchage du gaz a révélé qu’une quantité importante de gaz a été gaspillée en 2021. Un total d’approximativement 144 milliardsde M3« a été inutilement brûlé à la torche dans des installations pétrolières et gazières en amont » – ce qui équivaut à plus de 90% des importations de gaz de l’Europe en provenance de Russie, ou à 1 milliard de tonnes d’émissions de gaz à effet de serre équivalentes à du CO₂.
À un prix modeste du gaz à 7,50$ par million de BTU (Cotation NYMEX aux USA), cela équivaut à près de 50 milliardsde dollars de pertes de revenus. Sur le marché contractuel à moyen et long terme (Europe avec environ 16$ / MMBtu) cela équivaut à 86 milliards de dollars ! Sur le marché spot c’est actuellement trois à quatre fois plus !
Selon les données satellitaires compilées et analysées pour le « rapport de suivi mondial 2022 du GGFR », dix pays ont été responsables des trois quarts du volume mondial de gaz torché en 2021. Parmi eux, la Russie, l’Iraq, l’Iran, les États-Unis, le Venezuela, l’Algérie et le Nigéria ont invariablement figuré aux sept premiers rangs de ce classement depuis dix ans.
Malgré de nombreux discours sur la fin du torchage inutile, les volumes n’ont diminué que de moins de 1% depuis 2012 – même si le fait de régler le problème est non seulement d’ordre économique mais aussi d’ordre écologique. Dans un monde marqué par l’insécurité énergétique, des prix faramineux et la crise climatique sous-jacente, cette situation devient inacceptable.
On parle de torchage lorsque les entreprises préfèrent brûler le gaz qu’elles ont produit en même temps que le pétrole plutôt que de le conserver ou de l’utiliser, peut-être parce qu’il serait coûteux de l’acheminer vers un marché.
Les torchères émettent non seulement du CO₂ lorsque le gaz est brûlé, mais aussi d’autres gaz nocifs, des particules et, du fait d’une combustion inefficace, du méthane. Les fuites et les évents de méthane provenant des infrastructures énergétiques constituent un autre problème. Ensemble, ces sources représentent 6,6 milliards de tonnes de CO₂, soit 36 % des 18,2 milliards de tonnes d’émissions de CO₂ de l’industrie pétrolière et gazière.
Plus de 10 000 sites de torchères sont visibles par satellite dans plus de 80 pays, dont beaucoup ont approuvé l’initiative « zéro gaz torché » de la Banque mondiale d’ici 2030.
Il est plus que nécessaire de penser aux 144 milliards de M3 de gaz qui sont brûlés à la torche, évacués et fuitent de la chaîne d’approvisionnement en pétrole et en gaz. Aux prix européens d’aujourd’hui, cela représente un manque à gagner de plus de presque 280 milliards de dollars, sans compter que cela représente approximativement 6 milliards de tonnes d’équivalent CO2. Résoudre ce problème est une formidable opportunité d’atténuer chacune des deux crises à savoir, « économique » et « écologique ».
Autrement dit, s’il n’y a jamais eu un moment pour intensifier les efforts de réduction des émissions, c’est maintenant. En réalisant les bons investissements tactiques, nous pouvons réduire les émissions, créer de la valeur et accélérer la transition énergétique.
Les solutions sont multiples, on peut évoquer la réinjection du gaz dans le sol, acheminement par canalisation vers les marchés, utilisation de ce gaz pour produire de l’électricité. Mais une chose est sûre, les industries pétrolières doivent agir maintenant et vite.
La Russie contrainte de « torcher » massivement du gaz suite aux conséquences de l’embargo européen et par faute de réservoirs de stockage pleins :
Au moment où les coûts énergétiques de l’Europe montent en flèche, avec une perspective de « crise énergétique » de plus en plus confirmée, la Russie se retrouve « contrainte » de brûler de grandes quantités de gaz naturel, selon une analyse partagée avec BBC News. Selon les experts du domaine, une usine de raffinage russe, près de la frontière avec la Finlande, brûle chaque jour du gaz pour une valeur estimée à 10 millions d’USD. Ils affirment aussi que ce gaz torché aurait auparavant été exporté vers l’Allemagne.
L’ambassadeur d’Allemagne au Royaume-Uni a déclaré à BBCNews que la Russie brûlait le gaz parce qu’ « elle ne pouvait pas le vendre ailleurs ».
Les scientifiques quant à eux s’inquiètent des grands volumes de dioxyde de carbone et de suie qu’elle crée, ce qui pourrait accélérer la fonte de la glace arctique.
Dans le même contexte, l’analyse de « Rystad Energy » indique qu’environ 4,34 millions de M3 de gaz sont brûlés par « torchage » chaque jour. Ce gaz provient d’une nouvelle usine de gaz naturel liquéfié (GNL) située à Portovaya, au nord-ouest de Saint-Pétersbourg.
S’il est courant de brûler du gaz dans les usines de traitement – normalement pour des raisons techniques ou de sécurité – l’ampleur de cette combustion en Russie a déconcerté les experts et les inquiète dans le sens où la quantité est anormalement élevée. « Je n’ai jamais vu une usine de GNL brûler autant de gaz à la torche », a déclaré le docteur « Jessica McCarty », spécialiste des données satellitaires de l’université de Miami, dans l’Ohio. « À partir du mois de juin, nous avons observé un énorme pic, qui n’a pas disparu. Il est resté très anormalement élevé »
Les premiers signes que quelque chose n’allait pas sont venus de citoyens finlandais, de l’autre côté de la frontière, qui ont aperçu une grande flamme à l’horizon au début de l’été.
Pour rappel, Portovaya est situé à proximité d’une station de compression au début du gazoduc « Nord Stream 1 » qui transporte le gaz sous la mer vers l‘Allemagne. A noter que les livraisons de gaz vers l’Europe via le gazoduc « Nord Stream 1 » sont interrompues depuis la mi-juillet, les russes attribuant cette restriction à des problèmes techniques. Les européens affirment de leur côté qu’il ne s’agit aucunement d’un problème technique mais plutôt d’une manœuvre politique qu’exerce la Russie en représailles aux sanctions qu’ils lui imposent.
Selon « Mark Davis »,CEO du bureau d’étude « Capterio », un bureau qui mène des études sur le torchage et s’efforce de trouver des solutions, affirme que le « torchage » n’est pas accidentel et qu’il s’agit plutôt d’une décision délibérée prise pour des raisons opérationnelles. « Les opérateurs hésitent souvent à fermer des installations de peur qu’elles ne soient techniquement difficiles ou coûteuses à remettre en service, et c’est probablement le cas ici », a-t-il déclaré à BBC News.
D’autres pensent qu’il pourrait y avoir des difficultés techniques à traiter les grands volumes de gaz qui étaient fournis au gazoduc « Nord Stream 1 ». La société énergétique russe « Gazprom » avait peut-être l’intention d’utiliser ce gaz pour produire du GNL dans la nouvelle usine, mais elle a peut-être eu des problèmes pour le traiter et l’option la plus sûre est de le brûler à la torche.
Cela pourrait également être le résultat de l’embargo commercial imposé par l’Europe à la Russie en raison du conflit Russo-Ukrainien. « Esa Vakkilainen », professeur d’ingénierie énergétique à l’université LUT de Finlande a déclaré que « Ce type de torchage à long terme peut signifier qu’il leur manque certains équipements » en ajoutant « Ainsi, en raison de l’embargo commercial avec la Russie, ils ne sont pas en mesure de fabriquer les vannes de haute qualité nécessaires au traitement du pétrole et du gaz. Il y a donc peut-être des valves cassées et ils ne peuvent pas les faire remplacer »
L’impact environnemental du brûlage inquiète les scientifiques :
Selon les chercheurs, il est vrai que le brûlage à la torche est bien meilleur que la simple évacuation du méthane, qui est l’ingrédient clé du gaz et qui constitue un agent de réchauffement climatique très puissant.
Mais le problème qui se pose actuellement est le suivant : Le torchage « massif » effectué dans l’usine russe de « Portovaya » libère chaque jour environ près de 9 000 à 15 000 tonnes d’équivalent CO2. Le « Noir de carbone » est le nom donné aux particules de suie produites par la combustion incomplète de combustibles comme le gaz naturel. « Le transport vers le nord du carbone noir émis, où il se dépose sur la neige et la glace et accélère considérablement la fonte, est particulièrement préoccupant aux latitudes arctiques », a déclaré le professeur « Matthew Johnson », de l’université Carleton au Canada. « Certaines estimations très citées placent déjà le torchage comme la source dominante de dépôt de carbone noir dans l’Arctique et toute augmentation du torchage dans cette région est particulièrement malvenue »
En somme, l’arrêt du torchage est impératif. Outre l’aspect économique du fait de pouvoir économiser des centaines de milliards de dollars, il y a aussi l’aspect écologique à cette problématique. Actuellement seul la Norvège et l’Arabie saoudite appliquent à la lettre les directives de leurs gouvernements respectifs, des directives claires et strictes leurs ont permis de diminuer le torchage de gaz de manière assez extraordinaire.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=1845