Et si on vous dit que la Russie continue d’engranger des revenues records en exportant pétrole, gaz et charbon, malgré les lourdes sanctions imposées par les occidentaux contre elle ? C’est un fait car dans cette équation, ce ne sont pas les volumes qu’il faut prendre en considération mais la flambée des prix ! Explication.
Selon une étude du think tank « CREA » (Center for Research on Energy and Clean Air) l’Etat russe a enregistré des records de recettes budgétaire depuis l’éclatement du conflit Russo-Ukrainien (C’est-à-dire depuis 6 mois). Ce chiffre s’explique par le fait que malgré la baisse des volumes exportés et la fermeture de quelques gazoducs d’exportation de gaz vers l’Europe, ces derniers sont compensés par la flambée des prix.
Toujours selon l’étude du « CREA » publiée mardi 6 septembre, les revenus russes émanant du pétrole, des produits pétroliers, du gaz et du charbon ont atteint les 158 Milliards d’Euro entre le 24 Février et le 24 Août. Les taxes sur les hydrocarbures représentent « plus de 40 % du budget annuel de la Russie », rappelle le « CREA ». Elles auraient rapporté 43 milliards d’euros sur six mois.
A noter que les revenus russes ont par moment reculé en Juin puis ils ont été orientés à la hausse en juillet et en août. Le pétrole reste, et de loin, la première source de devises, suivi par les produits pétroliers comme le carburant diesel, puis le gaz.
Le principal importateur des produits russes ? Ce n’est autre que l’union européenne. 54% des exportations russes d’énergies fossiles sur cette période ont été achetés par les Vingt-Septétat-membres. Un chiffre qui peu à peu recule car l’Europe, sous réserve de sanction et d’embargo, tente de sortir de cette dépendance de l’énergie russe. Pour le charbon par exemple, les pays européens appliquent un embargo « total » depuis le 10 août. Parallèlement le « CREA » a remarqué en analysant le marché des exportations russes depuis l’application de cet embargo, que « Dans les semaines qui ont suivi l’interdiction [d’importer] du charbon, il n’y a pas eu d’augmentation notable des livraisons vers d’autres pays », ce qui a entrainé, la fermeture de quelques mines de charbon.
La flambée des prix du gaz compense la chute des volumes exportés par la Russie :
Les décisions de Moscou de réduire l’approvisionnement des européens en gaz, en procédant à la fermeture totale, partielle ou temporaire des gazoducs comme le Nord Stream 1 et 2 et autres, sont des décisions politiques et ce n’est pas cela qui nous intéresse vraiment. Ce qui attire notre attention c’est le fait que malgré la réduction des volumes, les recettes d’exportation de la Russie poursuivent leur croissance. L’explication est toute simple : l’utilisation de l’énergie comme « arme » de persuasion, en représailles aux différentes sanctions et aux embargos des occidentaux à l’encontre de la Russie, a fait exploser les prix. Ils étaient, en août 2022, 13x fois supérieur à ce qu’ils étaient un an auparavant. Résultat, « Gazprom fait autant d’argent en vendant son gaz à l’Union européenne aujourd’hui qu’au premier semestre 2021 », malgré des volumes divisés par 4.
Le « CREA » avait accompli cette étude bien avant la décision de l’arrêt total des livraisons de gaz via le NordStream1, prise par la Russie. Cette décision impactera systématiquement les revenus de Gazprom, car la hausse des prix constatée depuis quelques semaines n’est pas suffisante pour compenser la chutes des volumes exportés à plus long terme.
Le professeur en science politique « Thierry Bros », explique que les recettes de Gazprom vont baisser d’un tiers avec la très probable fermeture du gazoduc « Nord Stream 1 » passant ainsi de quelques 100 millions dollars par jour à 70 millions.« Les contrats de Gazprom avec l’Allemagne et l’Italie, ses plus gros clients, comportent certainement des prix plafond qui les empêchent d’atteindre les sommets constatés sur le marché de gros ». En d’autres termes « les prix ne permettent plus de compenser entièrement les volumes ».
Un jeu de balance se crée entre l’Europe, la Chine et l’Inde :
Pendant que l’Europe réduit ses importations de pétrole russe en guise de sanctions, la Chine et l’Inde ont sensiblement augmenté leurs achats, de même que l’Egypte et la Turquie d’ailleurs.
Ces pays ne se sont pas déclarés « pour » ou « contre » le conflit Russo-Ukrainien. Certains affichent un soutien « officieux » à la Russie, d’autres ne se prononcent pas, mais pendant ce temps dans le marché pétrolier, la demande de ces pays-là augmente et les volumes demandés avant le conflit et aujourd’hui sont un peu plus élevés. Du côté européen les exportations de pétrole russe ne reculent, pas considérablement, mais reculent quand même. De l’autre côté du globe, la Chine et l’Inde demandent à la Russie des volumes plus importants que d’habitude, rééquilibrant ainsi la balance et compensant le recul des importations européennes. Selon le « CREA » ces pays profitent du rabais que la Russie est contrainte de pratiquer pour écouler sa production. Même si ce rabais est à relativiser, car les cours mondiaux du pétrole ont fortement progressé depuis le début du conflit, le Brent frôlant toujours les 100 dollars le baril.
A noter qu’un embargo européen sur le pétrole russe devra entrer en vigueur en décembre, un embargo qui, au train où vont les choses, n’aura pas d’impact considérable sur les revenus des exportations de pétrole Russe.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=1838