L’un des principaux négociateurs des accords qui ont conduit à la nationalisation des hydrocarbures en 1971, Nordine Ait Laoussine confirme dans cet entretien que, contrairement aux idées reçues, l’Algérie n’a jamais spolié les intérêts pétroliers français.
Q : La nationalisation des compagnies françaises a été précédée par des contentieux et des négociations, qui se sont poursuivis pour certains après le 24 février 1971. Pouvez-vous nous rappeler la position de l’Algérie à ce sujet ?
R : L’obstacle principal résidait dans l’évaluation et le règlement de l’indemnisation des actifs nationalisés. De notre côté, nous n’en avons jamais contesté le principe. Nous l’avons subordonné au règlement des arriérés fiscaux dus par les sociétés françaises au Trésor Algérien pour les exercices 1969 et 1970 ainsi qu’à l’apurement de nombreux contentieux en suspens à la date des nationalisations (notamment le règlement des dossiers TRAPSA et Zarzaitine)
Q : Quelle était la position française ?
R : La position des responsables français était de s’opposer aux effets des mesures de nationalisation sur le terrain tant que la question de l’indemnisation n’était pas réglée.
Nos cadres et techniciens formés pendant la lutte de libération et ceux qui étaient en fonction dans les sociétés nationalisées se sont trouvés engagés dans une aventure humaine exceptionnelle qui a permis au pays de récupérer sa totale liberté d’action
Q : Comment les choses ont-elles évolué par la suite ?
R : Comme vous le savez, les sociétés françaises ont d’abord rapatrié leur personnel puis boycotté le pétrole algérien (le fameux pétrole rouge) afin de nous obliger à négocier les modalités d’indemnisation. Elles ont en fait subordonné le retour de leur personnel et l’arrêt du boycott du pétrole algérien à la conclusion d’accords concrets avec chacune des sociétés concernées.
Q : Sur quelle base a été évaluée et négociée cette indemnisation ?
R : L’évaluation de l’indemnisation a été négociée et déterminée d’un commun accord (pour une vingtaine de sociétés) sur la base de la pratique internationale en la matière. Contrairement à une idée reçue, nous n’avons donc pas spolié les intérêts pétroliers français. Les accords conclus avec chaque société ont été consignés dans un des nombreux livres blancs publiés périodiquement par Sonatrach sur la politique pétrolière du pays à partir de 1965 et notamment celui consacré aux « Accords de 1971 ».
Q : Comment avez-vous fait et comment vous êtes-vous organisés pour prendre en charge les opérations pétrolières sur le terrain dans des conditions aussi difficiles marquées par le retrait de tout le personnel des compagnies nationalisées ?
En l’espace de moins d’une année (accord avec Total en juin et avec l’ERAP en décembre), nous avons pris le contrôle de toutes les activités en amont, pallié à l’absence du personnel français et rétabli le niveau de nos exportations d’hydrocarbures. En un mot, nos cadres et techniciens formés pendant la lutte de libération et ceux qui étaient en fonction dans les sociétés nationalisées se sont trouvés engagés dans une aventure humaine exceptionnelle qui a permis au pays de récupérer sa totale liberté d’action. Nous avons soldé nos comptes avec la France et nous ne lui devons plus rien. Nos rapports avec les sociétés françaises sont désormais banalisés.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=1081