L’ancien Ministre de l’Energie et ex PDG de Sonatrach, Abdelmadjid ATTAR, n’hésite pas à accorder le satisfecit à Sonatrach sur les résultats obtenus en matière de recettes d’exportation en 2021 par rapport à 2020, et évoque les défis qui restent à affronter aussi bien en amont qu’en aval du secteur des hydrocarbures.
Dans quelles conditions Sonatrach a passé le cap de 2021 ?
D’après les chiffres publiés, on peut considérer qu’elle a réussi à maintenir le cap en matière de production de pétrole par rapport aux gains qui découlent des augmentations du quota au sein de l’OPEP+ et du prix du baril qui a augmenté en moyenne de 40% par rapport à 2020. C’est ce qui explique aussi l’augmentation globale de la production d’hydrocarbures de 5% par rapport à l’année 2020. Ses exportations ont aussi augmenté de 19% en volumes, et c’est probablement lié surtout au volume de gaz exporté. Ce chiffre aurait pu être plus important, mais il est sous pression de la consommation intérieure en gaz naturel qui ne cesse pas d’augmenter, alors que les capacités de production sont toujours concentrées sur les principaux gisements qui produisent depuis des décennies au maximum de leurs capacités.
Est-ce qu’elle peut faire mieux en 2022 et les années suivantes ?
A priori, je répondrai oui sans hésiter car elle dispose des ressources et des moyens, mais il y a aussi d’autres préalables et paramètres qui ne dépendent pas de Sonatrach seulement.
Il y a d’abord le marché pétrolier et les quotas de production qui sont fixés par le marché et l’OPEP+ dont fait partie l’Algérie. L’effort à fournir repose sur la nécessité de produire toujours au maximum de son quota en gérant cependant avec prévoyance les imprévus sur les capacités de production et de stockage (incidents, impacts climatiques sur les ports d’exportation). Mais elle peut compenser parfois avec les autres liquides (condensat et GPL).
Coté gaz, elle devrait profiter de la suspension de réduction de ses dépenses d’investissement par l’Etat propriétaire, pour rattraper les retards enregistrés en matière de développement des nouveaux gisements de gaz naturel, dont le marché semble se porter de mieux en mieux. Mais là aussi il y a en ce moment l’accroissement de la consommation intérieure qui la handicape. Elle pourrait alors améliorer ses résultats en adaptant de plus en plus sa stratégie d’exportation de gaz vers le GNL sur le marché spot.
Deux autres défis et non des moindres concernent le renouvellement des réserves, surtout en gaz naturel, et la pétrochimie. Ces défis ne pourront être relevés qu’à travers le partenariat qui, lui permettra d’accéder non seulement aux investissements nécessaires en amont et en aval, mais aussi à des moyens technologiques qu’elle ne maitrise pas, et en aval à des marchés où elle est actuellement absente.
Sonatrach compte investir un montant colossal de l’ordre de 40 milliards de dollars entre 2022 et 2026. L’entreprise nationale a-t-elle eu raison d’afficher autant d’ambitions sur le front du gaz ?
Le montant des investissements sur 5 ans n’est pas aussi colossal que vous croyez puisque c’est pratiquement le chiffre programmé depuis au moins 2016 avec une moyenne de 8,2 Milliards de dollars par an. Il devrait même être en principe supérieur à ce niveau pour une compagnie de la taille de Sonatrach et des défis aussi importants que ceux relatifs au renouvellement des réserves, au maintien du niveau de production, surtout celui du gaz naturel, et enfin la valorisation dans l’aval qui affiche beaucoup de retard dans le domaine de la pétrochimie. Cet investissement a beaucoup baissé en 2020 à un niveau d’environ 5,7 milliards de dollars, du fait des mesures d’économie prises par le gouvernement, et bien sûr sous l’impact de la pandémie. Il était donc temps de le ramener au niveau des années précédentes, sauf qu’il faudra aussi agir pour que cet effort se fasse un peu plus en partenariat pour alléger le poids sur Sonatrach. Le gaz naturel et la pétrochimie sont des activités prioritaires à mon avis dans le futur et Sonatrach a tout à fait raison de se focaliser dans ce créneau.
Cet objectif vous parait-il accessible, face à la persistance du risque de l’effondrement des cours du brut ?
Dans les conditions actuelles du marché impacté par beaucoup d’incertitudes, et l’obligation pour l’Etat propriétaire de Sonatrach d’arbitrer entre les besoins énergétiques intérieurs et les exportations, l’objectif est difficilement accessible pour la Sonatrach seule. C’est pour cela qu’il faut absolument et en urgence développer et accélérer le partenariat d’amont en aval. Cela fait des années que la part de Sonatrach est pratiquement de 80% en amont (exploration-production) et presque 100% en aval mais sur très peu de projets nouveaux. En amont le risque aussi bien technique que financier est élevé, tandis qu’en aval c’est plutôt le volume des investissements à consentir qui est très élevé. Les activités en amont ont souffert de la faiblesse d’attractivité technique et légale du pays depuis la chute du baril en 2014, et dans l’attente d’une nouvelle loi pétrolière qui a tardé à se mettre en place. Les activités en aval quant à elles ont souffert du retard dans les négociations avec les partenaires intéressés pourtant depuis plusieurs années. C’est pour toutes ces raisons qu’il faut faire vite et en partenariat pour partager les risques.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=998