Energy Magazine reproduit ci-après l’intégralité la communication de Monsieur Abdelmadjid Attar, ancien Ministre de l’Energie, présentée à l’occasion de la rencontre-débat organisée, le 13 novembre 2021 à Alger par la Confédération algérienne du patronat citoyen (CAPC) sous le thème « La relance c’est maintenant ».
Je ne dispose que de quelques minutes pour intervenir et je vais tenter d’être court et précis, en reprenant d’abord les déclarations de notre Président de la CAPC sur le quotidien national Le Soir d’Algérie du 08 Novembre 2021.
Oui vous avez certainement raison de dire qu’il faut en finir avec les subventions, et plus précisément celles concernant l’Energie.
Vous avez dit aussi que cela allait avoir un impact sur le cout de production, et pour que cet impact soit positif, il faudrait appliquer les mêmes règles à tous les acteurs économiques surtout.
Vous avez raison et je suis entièrement d’accord avec vous. Je rappelle juste que :
- Le Ministre de l’Energie vient de déclarer récemment que le gaz est cédé sur le marché national à 0,24 $ le MMBTU alors qu’il est facturé à 8 $ en moyenne en export, et 12 $ le baril de pétrole alors qu’il est de 80 $ en exportation.
- On peut aussi considérer à ce niveau que la source d’énergie, c’est-à-dire les hydrocarbures, sont un don du ciel et que la Sonatrach équilibre ses comptes avec les exportations, mais ce n’est pas du tout le cas pour la distribution publique du gaz et la vente de l’électricité générée par le gaz, et ce d’autant plus que les plus gros consommateurs (tranche 4) représentent à eux seuls 65% de la consommation électrique totale et 63% de la consommation de gaz totale.
- Le prix de l’électricité et du gaz est pratiquement le plus faible au Maghreb et dans la région méditerranéenne, et la Société de distribution de l’électricité et du gaz affichait en 2020 un déficit cumulé de plus de 320 milliards de dinars, de quoi mettre la clef sous le paillasson en principe. Et ce déficit provient essentiellement des tarifs de vente à perte pratiquement, de la fraude, et du non recouvrement des paiements.
Maintenant permettez-moi de rajouter un détail important relatif à la destination et l’usage qu’on fait de l’énergie actuellement, ce qu’on devrait en faire dans le futur en fonction des besoins, et par conséquent vers quel modèle non seulement d’exploitation des ressources et de production d’énergie, mais aussi de la nature de l’usage de cette énergie.
En principe, l’Algérie a certainement tous les atouts énergétiques naturels pour non seulement s’auto-suffire dans sa consommation intérieure globale, produire ce dont elle a besoin, mais aussi construire sa compétitivité par rapport à l’importation de ces besoins, et pourquoi pas l’exportation de sa production industrielle et agricole.
En 2016, ici même à l’Aurassi, j’avais fait une présentation de l’état des lieux en affichant une projection à long terme qui mettait en évidence les mêmes prévisions que je vais citer.
- La consommation finale d’énergie par secteur est de :
- 42% pour les ménages et autres dont à peine 2% en agriculture.
- 37% dans le transport.
- Et seulement 21% dans l’industrie et les BTP.
Nous avons donc un modèle de consommation dont 79% ne participe pas beaucoup à la production de nouvelles richesses, et ce qui est plus préoccupant est que cette consommation énergétique est à 41% environ sous forme de gaz naturel. Si on lui rajoute les 29% en électricité qui provient à 98% du gaz, on se rend compte qu’il y a là une sérieuse préoccupation en matière non seulement d’usage de l’énergie, mais aussi en matière de ressources en gaz à l’avenir pour la produire, pour les raisons suivantes :
- Avec des réserves prouvées d’environ 4 milliards de TEP, dont 2.500 Mds M3 de gaz naturel et GPL, et 12 Mds barils de pétrole et condensat, ainsi qu’une production annuelle moyenne de 190 MM TEP sur les 10 prochaines années, puis décroissante sur 20 années, ainsi qu’une consommation nationale de 35% de la production totale sur 10 ans, on peut affirmer qu’en théorie il n’y a pas de souci à se faire pour l’approvisionnement du marché national. Mais dans la réalité et dans le détail des consommations, ce ne sera pas le cas pour deux raisons :
- Parceque 65% de la production totale est exporté pour couvrir les besoins en matière de rente.
- Parceque la consommation nationale en électricité est assurée pour le moment à 98% par le gaz naturel, et le sera encore en 2035 à raison d’au moins 80% en supposant que le programme des 15.000 MW en ENR sera réalisé, alors que d’ici 2035 on aura soutiré un peu plus que la moitié des réserves en gaz.
- Cela signifie qu’il n’y a peut-être aucun souci en matière de sécurité énergétique aussi bien à l’horizon 2035 qu’en 2040 ou plus tard, parceque la priorité est à la consommation interne, mais un souci pour la rente pétrolière avec un début de chute définitif entre 2028 et 2030, puis probablement sa disparition au-delà de 2035.
- Cela signifie par conséquent que le défi est multiple :
- Une Transition économique pour sortir de la rente pétrolière, un défi qui relève des secteurs d’activités économiques aussi bien publiques que privées.
- Des Investissements dans les ENR pour économiser des réserves de gaz surtout, un défi qui relève aussi de programmes d’investissements et d’une politique de partenariat vigoureuse public/privé.
- Des économies d’énergie qui dépendent beaucoup des tarifs et de politiques de subventions ciblées.
- Mais aussi d’une affectation volontariste de l’énergie vers les activités productrices de nouvelles richesses, et des emplois durables.
- Un défi qui n’est pas à l’ordre du jour, mais qu’il ne faut pas hésiter à envisager sur le long terme, à savoir le recours aux hydrocarbures non conventionnels, ainsi que l’énergie nucléaire. Je sais que beaucoup de gens n’osent pas en parler, mais il est temps de l’envisager au moins.
- Et enfin pour terminer avec un commentaire sur un défi futur et peut être très proche dont il faut tenir compte aussi. Car dans les différentes activités du secteur industriel, il y a celle qui est non seulement énergivore, mais aussi émettrice de dioxyde de carbone, qui va être doublement pénalisée par le prix de l’énergie et celui de la taxe carbone qui n’existe pas encore en Algérie mais qui finira par avoir son impact de façon directe ou indirecte en matière de compétitivité quand il s’agira d’exporter son produit. Il s’agit des secteurs de la pétrochimie, la sidérurgie, les matériaux de construction comme le ciment, l’industrie chimique et pharmaceutique de façon générale.
Pour conclure, on peut affirmer qu’il n’y a pas d’autre façon de réduire la facture énergétique pour le consommateur qu’il soit simple citoyen ou industriel, sans passer d’abord par l’économie d’énergie, puis en lui fournissant un maximum d’énergie d’origine renouvelable, et enfin de l’encourager à la produire souvent lui-même. C’est de cette façon que la transition énergétique avancera, avec la participation de tous les acteurs énergétiques et les consommateurs.
Il y a par conséquent un chantier gigantesque à mener en matière de simplification du cadre réglementaire et institutionnel qui n’est vraiment pas adapté actuellement au sein du secteur de l’Energie lui-même, puis au niveau des consommateurs d’énergie, pour :
- Assurer la disponibilité de l’énergie, à un cout compétitif pour son producteur,
- Promouvoir et assurer son meilleur usage au niveau des consommateurs, surtout industriels.
- Assurer une meilleure compétitivité de la richesse qu’en tire le consommateur, aussi bien sur le marché intérieur qu’à l’exportation.
- Promouvoir l’économie d’énergie au niveau de chaque consommateur, et le recours aux ENR en devenant auto-producteur d’énergie.
Source : https://www.energymagazinedz.com/?p=306